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Montée de l’extrême-droite : la fin de l’exception britannique ?

Des élections locales partielles se déroulaient en Angleterre le vendredi 3 mai dernier, dans 35 collectivités territoriales, ou « counties », pour élire un total d’environ 2 200 représentants locaux à travers le pays. Ces élections ont vu le Parti Travailliste réaliser des avancées substantielles dans des zones principalement rurales et de tradition conservatrice, comme le montrent le doublement du nombre d’élus travaillistes dans les collectivités contestées et la conquête du Derbyshire et du Nottinghamshire. Les travaillistes sont arrivés en tête du vote populaire avec 29% des suffrages, devant le Parti Conservateur et ses 25%, dont la déroute n’est que le retour logique de la politique d’austérité, ultralibérale et en faveur des plus riches que mène le gouvernement le plus à droite d’Europe occidentale depuis 2010. Celui-ci a par ailleurs perdu le contrôle d’une dizaine de collectivités territoriales à la suite de ce scrutin. Les libéraux-démocrates, partenaires des conservateurs au sein du premier gouvernement britannique de coalition depuis l’après-guerre, sont les autres grands perdants de cette élection, avec la perte de pas moins de 124 élus.

Mais le résultat le plus frappant, c’est la montée fulgurante d’un parti d’extrême-droite, le néo-populiste UK Independence Party, ou UKIP, une formation évoluant depuis plusieurs années sur une plateforme eurosceptique et anti-immigration et qui a raflé près de 140 nouveaux sièges et remporté 23% du vote populaire, s’imposant ainsi incontestablement comme le grand gagnant de cette élection partielle. Ce résultat est d’une grande importance car il pourrait bien marquer la fin d’une exception britannique en Europe : cette « petite île », comme aiment à l’appeler ses habitants au sens de l’autodérision légendaire, était parvenue, jusqu’à présent, à maintenir l’extrême-droite dans un rôle politiquement marginal et à refuser toute forme d’obscurantisme comme expression légitime d’un mal-être aussi réel soit-il, en dépit de la couverture médiatique dont ont bénéficié certaines structures comme UKIP ou le carrément raciste British National Party (BNP) depuis quelques années.

Ce à quoi nous venons d’assister correspond à un phénomène qui nous est déjà bien familier : la banalisation de l’extrême-droite et l’émergence de celle-ci comme une véritable force politique capable de capter les votes de citoyens désemparés de droite, du centre et même de gauche, en jouant notamment sur la peur de l’autre. Cette banalisation ne se manifeste pas qu’à travers le résultat des urnes. Elle est d’ores et déjà apparente dans la rue, où s’afficher comme un électeur ou même un militant UKIP n’est plus tabou, et relève à présent du domaine du « socialement acceptable ». Cette banalisation est aussi en train de s’installer, progressivement, au sein de la classe politique. Plusieurs responsables de droite comme de gauche décrivent déjà UKIP comme le parti du vote contestataire, tandis que le Premier Ministre conservateur David Cameron s’est empressé de revenir publiquement sur ses propos à l’égard de UKIP, dont il avait comparé les responsables et les militants à des « idiots et des racistes cachés », en promettant à l’avenir de traiter ce parti et ses électeurs avec plus de respect.

Le risque, nous le connaissons aussi: un durcissement du discours du Parti Conservateur pour tenter, désespérément, de récupérer les votes perdus à l’extrême-droite à temps pour les élections parlementaires de 2015. Un virage à droite assumé, « décomplexé », en promettant toujours plus aux partisans d’une politique d’immigration zéro et d’une sortie de l’Union Européenne, quitte à s’absoudre des valeurs humanistes dont le parti de Winston Churchill s’est toujours revendiqué. Déjà Theresa May, Ministre de l’Intérieur, appelle son parti à travailler pour récupérer ces votes perdus, par exemple en faisant de la tenue d’un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE, une véritable promesse électorale. Quelques jours plus tard, c’était au tour de plusieurs poids lourds du Parti Conservateur, comme l’ancien chancelier Lord Nigel Lawson, ou encore le ministre de la Défense, Philip Hammond, de prendre position pour une sortie de l’UE. Il appartiendra au Parti Travailliste de ne pas se laisser absorber dans cette course effrénée à la récupération des votes d’extrême-droite qui ne fait que commencer et qui pourrait envenimer cette longue campagne pour les échéances de 2015 en y faisant s’inviter une dose de populisme jusqu’ici inconnue. Imposer notre agenda, nos thématiques, en faisant d’une réforme fiscale dans la justice sociale, du maintien des services publics et de la fin d’une politique d’austérité qui étouffe l’économie et asphyxie les plus faibles et démunis les sujets clés de cette campagne : c’est ainsi que s’installera outre-manche un autre grand gouvernement de gauche en Europe.

Samy Ahmar, Londres

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