Le Congrès de Dijon |
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SOCIALISTES, EUROPÉENS, INTERNATIONALISTESLes Français à l’étranger pour une société solidaire Contribution au débat présentée par : Pierre-Yves Le Borgn’ (Belgique), Richard Yung (Allemagne), Monique Cerisier-ben Guiga (Sénatrice, France), Guy Penne (Sénateur, France), Danièle Seignot (Sénégal), Dominique Aguessy (Belgique), Christophe Monier (Etats-Unis), Manon Mondoloni (Iran), Serge Lustac (Luxembourg), Claudine Lepage (Allemagne), Jean-Daniel Chaoui (Gabon), Awa Hacko (Mali), Hélène Conway (Irlande), Olagnika Salam (Bénin), premiers signataires. « L’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité ne sont pas contradictoires, mais elles se complètent l’une l’autre et constituent ensemble l’homme authentique, c’est à dire un homme qui peut prétendre à la « vocation politique » ». Max Weber, Le savant et le politique
Français à l’étranger, nous avons une vision particulière de notre pays. Nous sommes à la fois dedans et dehors. Nous voulons que la France reste fidèle aux idéaux de la Révolution française et à la philosophie émancipatrice des Lumières. C’est ce qui fonde sa place si particulière dans l’actuel concert des nations. Les socialistes se placent résolument dans cette filiation, fidèles au message de Jean Jaurès, fiers de l’œuvre politique des années de pouvoir sous la conduite de Léon Blum, Pierre Mendès France, François Mitterrand et Lionel Jospin. Ils s’enorgueillissent d’avoir fait progresser concrètement notre pays sur cette voie, à chaque fois qu’ils ont exercé le pouvoir. Il nous faut aujourd’hui trouver les moyens de poursuivre la marche au nom de notre idéal d’égalité et de solidarité, nationale comme internationale. Le Parti socialiste entre désormais dans la phase de Congrès, au cours de laquelle il débattra de ses orientations et renouvellera sa direction. Nous souhaitons que les discussions et échanges à venir soient les plus libres et dignes, laissant le choix final à ceux à qui appartient la vraie légitimité, les adhérents de notre Parti. Nous attendons aussi que de ces échanges naissent un large rassemblement politique, une dynamique susceptible d’engager le PS sur le chemin de l’alternance gouvernementale. Prenons-en le temps, confrontons nos idées, sans stigmatiser les uns ou les autres, « sociaux-libéraux » ou « gaucho-archaïques » pointés à la vindicte militante comme autrefois les « sociaux-traites » ou « les crypto-communistes ». N’érigeons pas de catégories de bons ou de mauvais socialistes. Il y a des socialistes, dont les options peuvent certes diverger, mais que rassemble avant tout la volonté d’un monde meilleur et plus juste, et qui tous méritent respect. ********* Réformer, toujoursSocialistes, il ne nous semble pas indispensable de répéter que nous sommes « de gauche ». Oui, la raison d’être de notre combat est d’établir la justice sociale dans une société en paix qui permette l’épanouissement individuel et collectif. Mais nous pensons que ces valeurs et cet objectif doivent être non pas tant proclamés qu’appliqués. Dans ce sens, notre réflexion s’inscrit dans la ligne du réformisme socialiste, seule susceptible de transformer durablement la société. Pour nous, il n’y a pas de honte à être réformistes, ainsi qu’il est écrit dans la déclaration de principes du PS : « parti de transformation sociale, le Parti socialiste met le réformisme au service d’espérances révolutionnaires ». Parce que nous voulons concrètement changer la société, nous sommes un parti de gouvernement, et refusons la tentation facile de courir après « la gauche de la gauche », ce qui n’apporterait aucune réponse d’avenir aux problèmes de la société française d’aujourd’hui. Le PS n’a pas vocation à devenir une force de protestation, condamnée à l’opposition et au seul témoignage pour de longues années. C’est au contact du réel, en exerçant les responsabilités gouvernementales, qu’on transforme la société au bénéfice de tous. Affirmer ce choix de la voie réformiste est encore mal compris au sein du PS. Notre parti n’a jamais fait son congrès de Bad Godesberg, alors même que sa pratique du pouvoir l’a conduit bien plus loin que le Parti social-démocrate allemand dans le renouvellement de la relation entre le socialisme démocratique et l’économie de marché. Nous n’avons jamais totalement assumé, ni expliqué suffisamment le changement de politique économique de mars 1983. Pas davantage n’avons-nous plus récemment expliqué pourquoi nous ouvrions le capital de certaines sociétés publiques. Cette incapacité à ne pas dire clairement la vérité sur ces choix de politique économique conduit aujourd’hui à des débats confus, qui mélangent « économie de marché » et « libéralisme », « service public » et « secteur public ». A force de ne pas expliquer ces évolutions, nous sommes apparus sans véritable conviction aux yeux des Français, et nous en avons payé lourdement le prix au printemps dernier. Tout cela doit désormais être clarifié. Affirmer l’identité réformiste du Parti socialiste, c’est dire que si nous reconnaissons l’efficacité de l’économie de marché pour créer des richesses, nous n’imaginons pas un instant, à la différence des libéraux, qu’une quelconque « main invisible » en réalisera la juste répartition. L’économie de marché, si elle n’est pas maîtrisée, génère l’inégalité, l’insécurité sociale et la violence. Aussi faut-il une présence forte de l’autorité publique pour la réguler. Une présence forte pour construire la société solidaire, au service de nos valeurs de justice, de liberté, d’égalité, de laïcité et de progrès social. Pour cela, il nous faut un Parti socialiste puissant, présent sur tous les sujets, qui ne sous-traite pas comme dans un passé récent le social aux communistes, l’environnement aux Verts et la République aux – anciens – amis de Jean-Pierre Chevènement. Il nous faut au contraire un Parti qui soit le pivot de la gauche, pôle de rassemblement pour une majorité de progrès, soutenu par un socle d’au moins 30% des suffrages, fier de ses valeurs et de son identité. Et pour atteindre cet objectif, il nous faut à gauche un contrat de gouvernement, car si l’union est un combat, elle est aussi une nécessité.
Construire la société solidaireL’existence des services publics est au cœur même du projet des socialistes. Les services publics forment l’outil essentiel de lutte contre toutes les inégalités, sociales comme territoriales. Ils ne doivent pas être soumis aux exigences de rentabilité. Ils doivent également être envisagés de manière dynamique. Transports, communications, énergie, éducation, formation tout au long de la vie, culture, santé, logement, mais aussi protection des ressources naturelles et sécurité alimentaire, il est nécessaire d’examiner régulièrement le périmètre des services publics pour en créer de nouveaux et en redéfinir d’autres. C’est ainsi que doivent être examinés en priorité la définition des missions, les moyens nécessaires à leur accomplissement et le rôle des autorités publiques. Les usagers des services publics doivent être mieux entendus et plus systématiquement consultés. Une conférence nationale sur les services publics pourrait être organisée, associant autorités publiques et usagers, pour parler périmètre, gestion, rénovation et finalement pérennité des services publics. La question du secteur public est d’une autre nature. Le service public n’exige pas nécessairement une forme de propriété publique. Des entreprises du secteur public, propriétés de la nation, sont investies de missions de service public essentielles, comme La Poste, France Télécom, Air France, la SNCF, etc. Mais le service public peut aussi être concédé à des sociétés privées, dans le cadre de contraintes bien définies et sous la surveillance vigilante d’une autorité de contrôle et de régulation. C’est le cas pour la collecte des ordures ménagères, la distribution d’eau ou les transports urbains et péri-urbains dans de nombreuses communes. A des degrés divers, en fonction des exigences de la concurrence internationale sur leurs métiers, certaines sociétés du secteur public investies d’une mission de service public peuvent avoir intérêt à une ouverture de capital afin de sceller les alliances industrielles garantissant leur développement et leur avenir. Ces ouvertures de capital doivent pouvoir être envisagées dès lors qu’il est établi préalablement qu’elles ne menacent pas les principes mêmes du service public, que sont l’égalité d’accès, la péréquation tarifaire et la continuité du service. Dans ce contexte, le rôle de l’Etat actionnaire doit être réaffirmé, l’ouverture de capital ne devant en aucun cas conduire à son désengagement. Le combat de la solidarité est aussi celui du travail. Malgré les réformes sociales audacieuses de la dernière législature, les revenus du travail ont moins progressé que ceux du capital. Pour nous, socialistes, c’est un échec. De même, la baisse du chômage n’a pas conduit au recul de la précarité. Nous devons revaloriser le travail, créer les conditions du retour à l’emploi et, dans cette perspective, prendre en compte le risque d’effet de seuils des prestations sociales. Pour cela, il nous faut résolument donner priorité à la politique salariale, en développant en parallèle toutes les solidarités qui permettent aux salariés de faire face aux évolutions nouvelles d’une vie professionnelle. Il en est ainsi de la formation tout au long de la vie, associant études et stages qualifiants, pour aider tout salarié, à commencer par ceux qui ont quitté prématurément le système scolaire, à changer de métier en cours de carrière. Chaque Français devrait ainsi posséder son « passeport formation ». La première inégalité est devant le savoir. Lutter pour y remédier, définir un projet éducatif pour tous les âges de la vie, garantir l’accès aux qualifications et donc à l’emploi, c’est être en tout point fidèle au combat socialiste en faveur de l’égalité des chances. En matière de retraites également, nous voulons défendre l’égalité. La population française vieillit à grands pas. Cette évolution est une bombe à retardement. Chaque salarié est un retraité de demain, qui s’inquiète de savoir comment seront financés ses vieux jours. Notre système de retraite par répartition est juste et égalitaire. Il répartit les risques entre les assurés et favorise aussi la solidarité entre les générations. Il doit être protégé et consolidé. L’effort de financement des régimes par répartition doit être poursuivi et le fonds de réserve des retraites régulièrement abondé. Sachons cependant reconnaître que le vieillissement rapide de la population, dans une société de redistribution comme la nôtre, pose un défi auquel le système de retraite par répartition et les régimes complémentaires ne pourront répondre seuls. La réponse à ce défi n’est pas, comme l’imagine la droite, dans le développement de fonds de pension, par nature inégalitaires, et dont la mise en œuvre menacerait les recettes du système de répartition. Elle est notamment dans la généralisation de l’épargne salariale, ouverte à tous et gérée collectivement avec les partenaires sociaux. Loin de menacer le système de retraite par répartition, l’épargne salariale le conforte, tout en renforçant le pouvoir des salariés. Elle encourage en outre l’investissement socialement responsable et finalement l’engagement citoyen en faveur du développement durable. Les conditions du départ en retraite devront être réexaminées, pour permettre le départ anticipé des personnes qui ont commencé à travailler tôt dans leur vie ou qui exercent des activités pénibles ou dangereuses. A terme, le rapprochement entre public et privé devra être recherché. Il nous faut enfin mieux garantir les Français contre les risques économiques, à commencer par celui du licenciement, et débusquer toutes les discriminations, de droit comme de fait, qui frappent au sein de notre société et minent durablement le pacte républicain. Assurer l’autorité de l’État, traduire en acte le pacte républicain. Assurer l’autorité de l’État répond au besoin d’ordre et de sécurité exprimé par la société française. Nous y répondons avec nos convictions, basées sur la réaffirmation des droits et des devoirs de chacun. La lutte conte l’insécurité commande sanction et prévention. Le tout répressif ne sera jamais notre projet. Nous nous prononçons également résolument contre la double peine. Nous devons aussi développer une véritable politique volontariste de l’intégration envers tous les Français issus de l’immigration. Les expériences lancées avec succès dans de nombreux pays, dont sont témoins les Français à l’étranger, peuvent servir de base à la mise en place d’une politique plus que jamais nécessaire, qui permette à ces compatriotes de se glisser dans le moule républicain et de prendre toute leur place sans distinction au sein de la communauté nationale. Nous souhaitons enfin voir attribuer aux étrangers établis en France les droits civiques qui leur permettent de s’intégrer pleinement dans la vie locale. Engagement, responsabilité et dialogue fondent notre démarche institutionnelle. C’est pour cela que les socialistes à l’étranger ont défendu dans leur Projet Fédéral « Solidaires pour demain » l’idée d’une réforme d’ensemble de la représentation politique des Français établis hors de France. Rapprocher les échelons de décisions des citoyens est un objectif, dicté tout à la fois par un souci de démocratie participative comme d’efficacité. Le rôle du Parlement doit également être renforcé, en parallèle à une réforme du mode de scrutin permettant d’élire le quart des députés à la représentation proportionnelle et ainsi, des députés des Français de l’étranger. Le Sénat doit être profondément réformé. Le vote blanc doit être reconnu comme un suffrage valablement exprimé. Nous nous prononçons en faveur de la règle du mandat unique et de la limitation à deux mandats successifs à la tête de tous les exécutifs. Nous devons enfin encourager le dialogue social et la prise de responsabilité des partenaires sociaux, en faisant une plus large place à la politique contractuelle.
Au-delà du prisme hexagonalL’horizon du progrès ne peut plus aujourd’hui être limité à l’Etat-nation. Le monde a largement développé son unification financière et commerciale. Le combat des socialistes pour une société solidaire passe de la seule sphère nationale à l’exigence de mettre en place à l’échelle internationale de réels instruments de puissance publique. La tâche est immense tant le libéralisme a su profiter de l’absence d’une opinion publique mondiale organisée pour accroître encore davantage les inégalités entre les sociétés et au sein de chacune d’entre elles. Ne nous trompons cependant pas de combat. La mondialisation est un fait irréversible. Vouloir en maîtriser les effets est ce qui doit nous mobiliser. C’est à une lutte pour une mondialisation maîtrisée et solidaire que nous devons nous atteler. Un tel débat appelle une réponse internationale. Nous devons imposer des règles contraignantes concernant les droits fondamentaux des travailleurs, la protection de l’environnement, la préservation de la santé, la défense de l’identité et de la diversité culturelle. Nous devons définir la sphère des rapports marchands, dont doivent être exclus la santé, l’éducation, l’information, la culture, et encourager l’idée de biens publics mondiaux, parmi lesquels l’eau et les espaces naturels. La solidarité internationale, c’est aussi annuler la dette publique des pays les plus pauvres, restructurer celle des pays émergents, porter à 0,7% du PIB l’aide directe au développement et mettre en place une imposition mondiale sur les flux financiers spéculatifs au profit du développement, inspirée de la taxe Tobin. C’est lutter contre le protectionnisme des pays riches et exiger une réforme de la Politique Agricole Commune de l’Union européenne, qui ruine aujourd’hui tout développement de l’économie et des agricultures du Sud. C’est dénoncer le scandale dans l’accès aux médicaments, qui ne peut rester dicté par une seule logique marchande au moment où le SIDA fauche chaque jour des centaines d’Africains, et qui doit conduire, dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce, à la relance des négociations pour l’accès des pays les plus pauvres aux médicaments génériques. Créer une Organisation Mondiale de l’Environnement et un Conseil de Sécurité Economique dans le cadre des Nations Unies devient également une urgente nécessité. Pour que la mondialisation bénéficie à tous et contribue au développement durable de l’ensemble de la planète. Dans ce combat, l’Union européenne est le levier le plus précieux, par son influence et son poids économique. L’Europe d’aujourd’hui est libérale. Il n’y a aucune fatalité qu’elle le reste, pour peu que les socialistes, en France comme dans le reste de l’Union, sachent s’unir pour répondre au défi qui se pose aujourd’hui à eux, celui de dépasser l’approche nationale sur laquelle la social-démocratie s’est construite pour développer efficacement un modèle européen d’économie sociale de marché. L’Europe qui érige la concurrence au rang de règle cardinale sans développement du droit social, l’Europe qui ne combat pas les paradis fiscaux sur son propre territoire, cette Europe-là n’est pas celle que nous voulons. Changer cela exige de faire de la politique en Europe, d’affirmer que la politique européenne n’est plus une affaire de politique étrangère, réservée aux diplomates et aux experts, mais au contraire un élément essentiel de politique intérieure. L’Europe que nous voulons, c’est l’Europe du plein emploi, du progrès social, de la diversité culturelle et de la solidarité avec le Sud. Seul un Parti des Socialistes Européens digne de ce nom, parti d’adhérents et non plus regroupement de partis, peut y conduire. L’intégration européenne ne peut se faire sans intégration de nos formations politiques nationales. Tous les adhérents des partis socialistes et sociaux-démocrates de l’Union européenne devraient être membres de ce nouveau PSE, auquel l’adhésion directe serait également permise. Des sections locales devraient également être créées. Ainsi rassemblés, les adhérents du Parti des Socialistes Européens adopteraient les orientations politiques et éliraient la direction du PSE lors de votes de Congrès. L’émergence d’un véritable débat public européen est urgente. Nous devons nous y atteler. Le combat pour la société solidaire ne doit connaître aucune frontière dans l’Union, entre nos États, entre nos partis socialistes et sociaux-démocrates. Les divisions travaillent contre nos ambitions communes. Elles sont parfois même utilisées contre nous par nos adversaires. Les objectifs prioritaires sont là. Il nous faut intégrer dans la future Constitution de l’Union un chapitre social ambitieux, qui fasse de l’Union un espace de solidarité et de démocratie économique et pose clairement l’obligation d’un socle de services d’intérêt général. Il nous faut également établir la croissance et le niveau d’emploi au même rang que la stabilité des prix parmi les objectifs de la Banque Centrale Européenne. C’est en fonction de ces objectifs que nous devons résolument faire nôtre le combat pour une Europe fédérale. Oui à une Europe-puissance, reflet de notre culture humaniste, de tolérance et de respect des différences dont nous nous réclamons. Oui à une Europe unie, qui parle d’une seule et même voix sur scène internationale. Oui à un Président de l’Europe, issue de la majorité du Parlement européen. Sachons enfin rompre avec ce prisme politique national dont nous sommes depuis trop longtemps prisonniers et avec cette improbable « Fédération d’États-nations » à laquelle nous nous sommes raccrochés. Si la tiédeur de nos positions européennes est liée à la crainte d’assumer publiquement les limites de nos politiques nationales, alors nous sommes largement en retard sur la perception qu’en ont les Français. Parce qu’ils ressentent confusément la perte d’influence de l’État dans le combat pour une société solidaire, nos compatriotes sont prêts à la souveraineté partagée. Prolongeons à l’échelle européenne notre engagement politique national. Nous servirons ainsi notre idéal et renforcerons le levier puissant que doit être l’Union européenne dans la lutte pour une mondialisation maîtrisée, qui profite à tous.
Bâtir le Parti des militantsLe Parti socialiste doit se rénover. Il fonctionne comme un parti d’élite, au sein duquel faire remonter idées, propositions et revendications relève trop souvent du parcours du combattant. La FFE l’a parfois appris à ses dépens. Par son organisation, qui isole de la base militante la direction nationale, par le recrutement de celle-ci, trop homogène et élitiste, les messages n’atteignent pas le sommet. C’est une des raisons de notre échec cuisant du 21 avril. Notre organisation souffre de ne pas être un vrai parti de masse et d’être avant tout un parti d’élus. La base militante vieillit, les jeunes sont réticents à s’y engager, les catégories populaires sont très faiblement représentées. Le renouvellement des instances dirigeantes est notoirement insuffisant. Nous devons bâtir un Parti plus ambitieux, plus démocratique, enfin ouvert aux catégories populaires, aux Français issus de l’immigration et aux minorités. Nous devons bâtir le Parti des militants et de la démocratie participative. Cela implique la consultation de la base sur d’importantes questions d’actualité et la tenue d’une conférence militante annuelle à l’occasion de laquelle les militants se prononceraient par vote sur les orientations de la direction nationale. Plus largement, construire le Parti des militants, c’est aussi faire entendre davantage la voix des Fédérations dans l’organisation du Parti, et au sein de celles-ci, le poids des sections. Le Conseil National doit devenir le véritable parlement du Parti socialiste, à l’opposé de la chambre d’enregistrement qu’il est aujourd’hui. Nous défendons l’idée d’une composition à parité du Conseil National, entre Premiers Secrétaires Fédéraux et représentants des motions nationales d’orientation. Le Parti doit veiller à la réalisation totale de l’objectif de parité dans la composition de toutes ses instances, nationales, fédérales et locales. Il doit aussi instaurer des mécanismes pour assurer une meilleure représentativité de la Nation par une politique volontariste qui encourage la prise de responsabilités de personnes issues de l’immigration. Il doit enfin fixer dans ses statuts une autre règle, celle de la rotation automatique des responsabilités à tout niveau au-delà de deux mandats successifs. Préparer la succession aux responsabilités est un impératif dont le Parti doit se saisir. Ceci commande de repenser bien plus largement l’effort de formation et d’en faire l’une de nos toutes premières priorités. Une telle action devra couvrir non seulement l’histoire politique, l’économie et les relations internationales, mais aussi les aspects plus pratiques de l’action politique, comme la prise de parole, la tenue de réunions et l’expression écrite. Elle prendra en compte la dimension européenne et s’intégrera avec le programme global de formation à développer au sein du Parti des Socialistes Européens. Ce n’est qu’au prix d’un tel effort que le Parti socialiste pourra dégager de nouvelles générations de dirigeants et d’élus, d’origines sociales diverses, plus proches de nos concitoyens, avec lesquels ceux-ci pourraient plus facilement s’identifier. Posons-nous aussi la question du niveau de nos cotisations. Sans commune mesure avec celui pratiqué par tout autre parti frère européen, il a un effet dissuasif à l’égard de celles et ceux que nous voudrions voir nous rejoindre. Le moment nous semble venu d’engager une réflexion d’ensemble sur notre système de cotisation, avec l’objectif de ne plus devoir connaître la situation de sympathisants et d’adhérents contraints de renoncer à l’adhésion au Parti socialiste en raison du coût de celle-ci. Rappelons enfin cette règle de nos statuts, malheureusement trop régulièrement oubliée, qui prévoit que tout adhérent du Parti socialiste doit être également membre d’une association et d’un syndicat. L’objectif d’une telle règle n’est ni secondaire, ni illusoire. Il est, parmi d’autres, un moyen de reconstituer le lien distendu entre le politique et le mouvement social. Ce lien nous a manqué. Le politique et le mouvement social ne peuvent vivre en parallèle, sans se rencontrer. L’arrogance du politique comme la vive revendication d’autonomie du mouvement social ont pu parfois empêcher des échanges aussi nécessaires que prometteurs, au prix d’une moindre occupation de l’espace public, laissé à nos adversaires et au populisme.
Socialistes à l’étrangerNous pouvons être fiers de la FFE. Avec près d’un millier d’adhérents en 2002, dont quelque 250 nouveaux, et 70 sections dans le monde, dont de nouvelles en Chine, en Corée, en Thaïlande, en Iran, au Mozambique, en Andorre, à Milan, au Venezuela, en Colombie et à San Francisco, notre Fédération a connu un profond renouvellement. Tribune, notre journal fédéral, paraît régulièrement. Plus de la moitié des adhérents de la FFE et tous les secrétaires de section sont désormais connectés aux listes électroniques de débats et de diffusion de la Fédération, permettant ainsi de mener un réel travail militant en dépit des distances. Un site Internet renouvelé a été lancé et connaît de nombreuses visites. Des règles de fonctionnement démocratique et de contrôle des adhésions conformes à l’éthique socialiste ont été mises en place. Un séminaire annuel de formation est organisé, qui rencontre un large succès. Enfin, un Projet Fédéral a été adopté, qui présente des propositions concrètes sur tous les sujets touchant spécifiquement les Français hors de France. Loin de notre pays et de l’action militante traditionnelle, il nous faut inventer des formes d’engagements propres aux conditions et contraintes politiques des pays dans lesquels nous résidons. Cela ne va parfois pas sans mal et requiert une légitime prudence dans les pays où l’état de droit est bafoué. Plus qu’en France, en raison de l’éloignement, la section est le cadre privilégié de notre action militante. Elle est aussi le reflet de la façon dont les socialistes envisagent l’action politique. Transparence, pluralité, libre-arbitre en sont les éléments essentiels. A l’étranger plus encore, le développement de la section est fonction de la capacité de former les militants à accéder aux responsabilités. A cette fin, il est indispensable de développer les formations de secrétaires et de trésoriers de section afin de mieux les aider à prendre en charge leur rôle d’animateurs. Ce sont eux qui, au contact du terrain, peuvent établir un programme d’activités susceptible d’entraîner la plus large participation pour renforcer ainsi pas à pas l’implantation locale du Parti socialiste. Une équipe de formateurs doit être constituée au sein de la FFE, permettant à chaque section d’être visitée au cours des trois prochaines années, conduisant à terme à la possibilité de mener une formation des militants au sein même de chaque section. Entre le Congrès de Dijon et le Congrès qui suivra, nous souhaitons voir la FFE multiplier au moins par deux le montant de la ligne budgétaire consacrée à la formation. Cette formation doit accorder une large place à l’outil Internet, utilisé avec succès depuis le Congrès de Grenoble, au travers du site de la FFE et du forum de discussion. La première responsabilité des instances dirigeantes de la FFE doit être de prêter assistance aux secrétaires de section dans leur travail d’animation. Outre un dossier de politique générale, un dossier à caractère thématique devrait également être régulièrement préparé par les membres du Bureau Fédéral chargés des questions sociales, de l’économie, de l’éducation, de l’Europe, des droits de la femme, de la culture et de l’audiovisuel. Chaque année, à la veille de la réunion de la Convention Fédérale, un « Cahier de la FFE », relais du travail mené avec Tribune, serait élaboré, reprenant les travaux des sections de même que les interventions majeures sur le forum de discussion. Ce « Cahier » serait diffusé auprès de chaque adhérent de la FFE, ainsi qu’au sein du Parti, à destination de tous les membres du Bureau National. Être plus visible et actif au sein du Parti est un impératif pour la FFE. Cela passe d’abord par la poursuite résolue de l’effort de recrutement et d’implantation engagé ces dernières années. Mais notre Fédération souffre aussi de sa dispersion aux quatre coins du monde, qui constitue souvent un obstacle pour voir ses positions et travaux recueillir l’écho qu’ils méritent. Nous proposons de lutter contre cette difficulté à plusieurs niveaux. Nous encourageons chaque section de la FFE à se jumeler avec une section métropolitaine. Nous soutenons aussi toutes les initiatives locales visant à réunir les socialistes et sociaux-démocrates européens, car elles forment les embryons de sections du Parti des Socialistes Européens dont nous appelons la création de nos vœux. Nous entendons également positionner davantage la Fédération en partenaire du Secrétariat International. Qui en effet mieux que les socialistes français à l’étranger peut témoigner de la situation et des perspectives politiques des pays dans lesquels nous vivons ? Cette expertise s’étend aussi au monde des organisations internationales, par notre présence au siège ou dans les agences de ces organisations à Bruxelles, Luxembourg, Vienne, Munich, Rome, Nairobi, New York ou Washington. Ainsi, avec le « Cahier de la FFE » pourrait être préparé une publication reprenant une analyse de chaque section sur la situation politique du pays de résidence (sauf dans le cas où cette publication mettrait en danger la section et ses adhérents), qui serait diffusée auprès de tous les membres du Secrétariat International. La FFE doit aussi pouvoir participer activement à toutes les manifestations nationales du Parti, à commencer par les conventions nationales, l’Université d’été et l’Université permanente du Parti. Enfin, nous agirons pour qu’au moins un adhérent de la FFE soit élu au Conseil National au titre des motions nationales d’orientation. Le Projet Fédéral « Solidaires pour demain » constitue notre feuille de route pour les trois prochaines années. Il présente à nos quelque deux millions de compatriotes à l’étranger une série de propositions et de réformes précises dans les domaines sociaux, de l’emploi et de la formation professionnelle, de l’éducation, de l’action culturelle et de la sécurité, et recommande à cette fin une large réforme de la représentation politique des Français hors de France. Sur cette base et avec l’aide de nos Sénateurs, la prochaine direction fédérale devra suivre les développements politiques affectant les Français hors de France. Un lien avec le groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, où les Français à l’étranger ne sont pas représentés, devra également être instauré. Au sein de la FFE, nous souhaitons mettre en valeur le rôle du Conseil Fédéral. Des commissions sur des sujets ad hoc pourront être établies en son sein. Leurs responsables seront associés aux travaux du Bureau Fédéral. Nous proposons aussi de créer, comme toutes les autres Fédérations du Parti, une Union des Elus Socialistes et Républicains, qui rassemble l’ensemble des élus adhérents de la FFE, qu’il s’agisse bien sûr des sénateurs et délégués au CSFE, mais aussi des élus dans les conseils communaux de l’Union européenne. Lieu d’échanges et de débats, cette Union doit également devenir un outil supplémentaire de la présence de la FFE au sein du Parti, à travers la Fédération des Elus Socialistes et Républicains. L’ADFE-Français du Monde est l’organisation partenaire de la FFE. La FFE doit entretenir des liens étroits et réguliers de travail et de coordination avec celle-ci et son groupe au Conseil Supérieur des Français de l’Etranger, dans le respect de l’indépendance et de la pluralité de l’organisation. Chaque socialiste à l’étranger doit trouver sa place à l’ADFE-Français du Monde, prolongeant ainsi sur le terrain du quotidien son engagement politique, y compris aux élections au Conseil Supérieur des Français de l’Étranger. L’ADFE-Français du Monde est le vivier de la gauche à travers le monde, menant avec le concours de tous ses membres un travail de fond au bénéfice des idéaux de progrès, que nous devons encourager et auquel nous devons prendre pleine part. Nous devons enfin systématiser nos relations avec les autres organisations de gauche, syndicats et associations, avec qui nous pourrions collaborer à l’organisation d’États Généraux de l’expatriation, vecteur du renforcement de la présence de la gauche à l’étranger. Si les autres partis politiques de gauche sont peu représentés à l’étranger, il nous faut cependant aussi veiller à les rencontrer dans une démarche de partenariat, susceptible de déboucher sur des actions politiques communes créant une solidarité de fait. A cet égard, la présence et le travail effectué par les représentants de ces formations au sein de l’ADFE-Français du Monde doit être le gage de représentativité nécessaire à tout contact et travail en commun. Le Parti socialiste et la gauche toute entière ont connu en 2002 une lourde défaite. Les prochaines échéances électorales sont en 2004, avec les élections cantonales, régionales et européennes. Les élections législatives et présidentielles viendront en 2007. La droite a malheureusement le temps devant elle pour défaire ce que nous avions construit. C’est bien une entreprise systématique de liquidation de l’acquis social qui s’engage. Face à cela, les socialistes doivent mener l’offensive, résolument, en présentant leurs alternatives. Ce sera aussi le rôle du Congrès de Dijon que de fixer ces lignes. Notre responsabilité est importante. En transformant notre Parti, en affirmant son message de progrès par la réforme sociale, nous engagerons le rassemblement qui conduira aux victoires de demain, pour construire la société solidaire à laquelle nous aspirons tous.
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