Débats
     
    Le Forum Social Européen - Paris – 12/15 novembre 2003   
     
  

CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS DE MEMBRES 
DE LA FÉDÉRATION DES FRANÇAIS À L’ÉTRANGER 
PARTI SOCIALISTE FRANÇAIS 

mardi 9 décembre 2003 

Une équipe constituée de membres des sections de Belgique et de Suède (voir la liste des signataires de ce document ci-dessous) s’est rendu au Forum Social Européen (FSE) 
avec pour objectif de mieux connaître et comprendre les motivations de certains mouvements sociaux en participant à quelques réunions formelles de type atelier, séminaire et réunion plénière (détails ci-dessous). Le développement d’une véritable Europe sociale fondée sur des actions spécifiques (revenus et protection sociale minimums, conditions de travail adaptées, formation permanente ouverte à tous, intégration) était également au centre des intérêts de l’équipe. 

Les impressions suivantes sont dépendantes du fait que nous n'avons suivi que quelques assemblées plénières, séminaires et ateliers face à la multitude des réunions proposées (cf. site web du forum). Nos dires ne sont donc pas fondés sur une analyse exhaustive du Forum. Bien que nos expériences professionnelles soient parfois étroitement liées aux questions traitées en réunion (surtout en ce qui concerne l’éducation, le développement et la «société civile »), nous avons trouvé plus intéressant de nous attacher à la forme plus qu’au fond des débats. C’est en effet la forme des débats, dans leur aspect démocratique, qui nous a permis de réfléchir sur les institutions politiques en générale, et l’organisation du PS en particulier. À ce sujet, nous nous sommes permis de faire suivre nos impressions de nos propositions pour le PS. 

En définitive, nous souhaitons que ces impressions et propositions conduisent à un échange constructif avec d’autres membres du parti socialiste (questions, commentaires, propositions de débats mais aussi travaux d’approfondissement). 

IMPRESSIONS 

Le Forum social est un rassemblement riche de rencontres diverses, en particulier pour ceux qui s’intéressent à ce que font, présentent et ambitionnent les différents mouvements sociaux. En effet, nous avons pu apprendre sur différents sujets en nous rendant entre autres aux stands de certaines organisations et en discutant avec leurs membres (OGM, fonctionnement du système fiscal, conditions d’existence dans les pays pauvres etc.). 

Le Forum social met en présence certaines composantes de la société ; il n’est pas le reflet de la société tout entière. Un tour rapide du Forum nous a permis de distinguer facilement plusieurs groupes de personnes : 

  1. Des "activistes" souvent d’horizon politique d'« extrême gauche » 
  2. Des représentants associatifs au sens large, ayant souvent déjà eu un engagement collectif de gauche en dehors des partis politiques (plutôt des 40-50 ans) 
  3. Des syndicalistes 
  4. Des fonctionnaires ou apparentés, en particulier des enseignants et des chercheurs (A noter que certains sont venus dans le cadre d’un travail personnel de recherche universitaire) 
  5. Des jeunes, des étudiants et des retraités 

Les actifs du secteur privé, employés/ouvriers et cadres dirigeants, ainsi que les entrepreneurs paraissaient sous-représentés. De plus, les représentants de pays de l’Europe du Sud paraissaient être sur-representés par rapport aux représentants des pays d’Europe du Nord et de l’Est. Il s'ensuit que si l’on peut trouver au sein du Forum social certaines clés de lecture aux défis de notre temps, on ne peut y trouver toutes réponses. 

Le Forum social propose une dynamique positive en donnant voix au chapitre à la «société civile». Souvent très bien préparés, beaucoup de représentants de la société civile sont venus pour échanger sur leurs expériences, trouver des solutions pratiques aux défis qu’ils bravent quotidiennement et rattacher leurs expériences à un cadre «politique» plus large. C’est lorsqu’il y a eu échange d’expériences concrètes que les discussions nous ont paru les plus intéressantes. Cependant, comme ailleurs, nous avons aussi ressenti au sein du Forum une certaine forme de contrôle par une «élite» universitaire et/ou politique bien organisée (bien que théoriquement aucun parti politique ne fut autorisé à participer), surtout lorsque les discussions devenaient plus théoriques et générales. 

Certaines formes de «contrôle» de la discussion nous sont apparues parfois de façon flagrante, à l’image des différentes formes que prenaient l’«agitation sociale » par les partis d’extrême gauche dans les années 60 et 70. Par exemple, certains «organisateurs» s’échinaient à disserter pendant de longues minutes sur leur volonté toute théorique d’ouverture et de transparence alors qu’en réalité ils s’assuraient que la discussion ne tourne qu’autour de points préétablis avec des orateurs «amis». Toujours est-il que tous les participants n’ont pas été dupes tout le temps de ces manipulations. En particulier, certains représentants d’ONG ont à juste titre très violemment réagi lorsque ayant posé des questions simples, concrètes et précises, on s’évertuait à leur répondre au travers de concepts généraux alambiqués. 

Le Forum social apparaît comme un reflet d’une frustration démocratique très réelle. 
Les interventions parfois chaotiques de certains démontraient un désir profond de reconnaissance sociale, de se faire entendre et comprendre et de partager leur «part de vérité ». Il est évident que même dans son aspect où il pourrait être le plus sujet aux critiques le Forum social représente une réponse positive à une exigence de démocratie, auxquelles les institutions politiques traditionnelles n’ont pour l’instant donné peu de suites (Quid du Front national !). Le Forum social arrive donc à canaliser cette frustration en offrant un cadre de discussion aux personnes n'ayant pas trouvé jusqu'alors de canaux d'expression, voire à ceux que l'on peut qualifier de «sans voix », en particulier au travers des représentants d’ONGs qui viennent en aide aux plus démunis. Mais ne fait-il que «canaliser » cette frustration ? Qu’offrent-ils réellement comme contre-propositions ? Nous avons noté certains corps de métiers sur la défensive (en particulier certains représentants de syndicats de l’Éducation nationale), plus intéressés à prêcher leur bonne parole qu’à se confronter à d’autres expériences, et donc moins enclins à se remettre en question et à faire de nouvelles propositions. 

Il est judicieux de rappeler à ce propos la "Charte des principes" que doit accepter toute structure souhaitant participer aux Forums sociaux européens ou mondiaux (charte approuvée et signée à Sao Paulo en 2001 par les instances qui constituent le comité d'organisation du Forum social mondial). En particulier, il y est rappelé que : 
"1. Le Forum Social Mondial est un espace de rencontre ouvert visant à approfondir la réflexion, le débat d’idées démocratique, la formulation de propositions, l’échange en toute liberté d’expériences, et l’articulation en vue d’actions efficaces, d’instances et de mouvements de la société civile qui s’opposent au néolibéralisme et à la domination du monde par le capital et toute forme d’impérialisme, et qui s’emploient à bâtir une société planétaire axée sur l’être humain. 
2. Le Forum Social Mondial de Porto Alegre a été une manifestation située dans le temps et l’espace. Désormais, avec la certitude proclamée à Porto Alegre qu’ "un autre monde est possible", il devient un processus permanent de recherche et d’élaboration d’alternatives, qui ne se réduit pas aux manifestations sur lesquelles il s’appuie (…)" (Ref. La Charte sur le site web)

Très bien organisé, le Forum Social ne représente pour l’instant qu’un simple cadre de discussion du fait des suites très limitées données aux réunions. Afin de coordonner de manière satisfaisante plus de 400 réunions disséminées sur 80 salles ou chapiteaux dressés pour l’occasion dans 4 communes différentes (Paris-la Villette, Saint-Denis, Bobigny et Ivry), des milliers de participants, et des centaines d’intervenants venant des quatre coins du monde (avec l’organisation de traduction simultanée), il a fallu une organisation hors pair. Mais qu’en est-il du Forum social au-delà de l’organisation des réunions proprement dites ? Nous avons regretté que les équipes organisatrices n’aient pas préparé de synthèses qu’elles auraient pu présenter par la suite. Cela aurait permis de mettre mieux en lumière les propositions et contre-propositions des intervenants «en chaire» et de la salle. Si chaque réunion avait formellement fait l’objet d’une synthèse, les échanges auraient gagné en qualité, chacun essayant d’apporter son point de vue le plus clairement possible. 

Nous avons trouvé surprenant que l’on ne se soit pas assurer systématiquement de prendre note du niveau de la participation des réunions, de produire un compte-rendu des débats ou de disséminer de manière systématique la documentation, sur la base desquels d’autres initiatives pourraient prendre racine. Les moyens de communications modernes (émail, Internet) auraient pu pourtant faciliter ce type d’initiative et de permettre au-delà de la simple présentation des problèmes de discuter à l’avenir de propositions concrètes. 

Seule l’expression libre était donc présente au Forum. Est-ce bien suffisant dans une démocratie ? Il nous semble qu’un débat bien organisé aurait pu créer dans un tel rassemblement une perspective autour de quelques propositions. 

C’est à ce niveau-là que l’on pourrait se poser la question des objectifs conscients ou inconscients des organisateurs ? N’est-il pas préférable pour certains de se complaire entre «amis » dans une critique systématique et générale du système capitaliste, en particulier dans sa conception américaine, sans pour autant proposer des solutions concrètes et pratiques de rechange ? Pourtant certains pays européens (Pays-Bas et Suède,) offrent des solutions sociales et démocratiques aux défis de notre temps (cf. les comptes-rendus des sections PS de la FFE) qui seraient intéressantes de discuter (retraites, formations continues, démocratisation de l’organisation de l’entreprise). Ne pas se donner les moyens de discuter de contrepropositions concrètes, de les confronter à la réalité politique et économique, n’est-ce pas là la meilleure manière de ne pas représenter une menace pour les institutions en place ? En fin du compte, en quoi le Forum Social représente-il un défi réel aux partis politiques institutionnelles (majorité et opposition) et aux pouvoirs économiques ? Quel est son projet de société au-delà de l’anathème sur la mondialisation/globalisation ? 

PROPOSITIONS 

Une participation des militants du PS aux activités et à la dynamique de préparation des prochains Forums sociaux (dans le respect des choix d'organisation interne des mouvements sociaux) est souhaitable à l’avenir. Nous pensons qu’il ne s’agit pas pour le PS sur la base d’une «culpabilité » mal placée de se mettre « à genoux » devant le Forum Social (ou de ses représentants de la société civile) ou au contraire de rejeter tout ce qui s’y dit et s’y fait partant du principe que tout y serait sujet à caution. Il s’agit plutôt pour le PS de profiter du Forum social pour se réapproprier son rôle politique. C’est à la société civile au travers d’expérience sur le terrain de soulever les questions sociales qui exigent une solution politique rapide, aux partis politiques de générer les réponses, y compris les compromis nécessaires avec les autres acteurs de la société (qui tiennent bien évidemment compte des contraintes économiques et budgétaires bien réelles !), et, en dernier ressort, aux électeurs d’évaluer les actions entreprises. Pour ce faire, il est nécessaire que le PS reste à l’écoute de la société et de ses phénomènes, y compris le Forum social dont l’importance sociale n’est plus à prouver. 

Le PS doit offrir une réponse satisfaisante à la demande des « sans voix » et des personnes demandant qu'on les écoute en démocratisant plus les organes du parti. Il ne s’agit moins de développer un forum de discussion pour les militants PS sur le web, où ceux-ci peuvent «se donner à coeur joie » sans pour autant voir leurs propositions être prises en compte par les organes du PS, mais plutôt de créer des structures où le programme du parti prend racine dans des situations vécues sur le terrain par les militants, relayées par les sections et les fédérations. 

Les membres de la Section de Suède, Peter Erhardy et Frédéric Pillot, pensent en particulier que le choix de la démocratie est de faire en sorte que des groupes sociaux (jeunes, étudiants, femmes, immigrés…) sous-représentés dans les institutions politiques nationales et locales (gouvernement, parlement et les conseils régionaux, généraux et municipaux) voient leurs intérêts mieux pris en compte au sein du PS (au-delà de la simple représentation territoriale au travers des sections et des fédérations). A noter à ce sujet l’organisation du parti social démocrate suédois (cf. Note no. 3 de la Section PS de Suède) : « le comité exécutif (ou secrétariat) du parti social démocrate (SAP) qui se réunit chaque vendredi est composé de 7 membres dont le premier ministre, le ministre de l’économie, le secrétaire général de la confédération générale du travail (LO), le secrétaire général du SAP et les représentants au sein du parti des sections des étudiants, des femmes et des jeunes. Le comité exécutif qui est élu par le congrès est responsable de la gestion quotidienne du SAP devant le bureau (60 membres), l’organisme décisionnel. Le comité exécutif est chargé de vérifier que les décisions prises par le congrès et le bureau sont appliquées. » 

Signataires : 
Peter Erhardy, PS, section de Suède, émail :  
Frédéric Pillot, PS, section de Suède, émail :  
Valérie Picquet, PS, section de Bruxelles, émail :  
Talline Tachdjian, PS, section de Bruxelles, émail :  

 
ANNEXES 

RÉUNIONS AUXQUELLES LES SIGNATAIRES ONT PARTICIPÉ : 

Séminaires : 

  • Le développement a-t-il un avenir ? 14 novembre 9h-12h - Saint Denis - Cette réunion était intéressante, notamment en ce qui concerne le partage des expériences (Référence : Concept en justification des expériences par Jean Pierre Dupuis) (Peter Erhardy et Frédéric Pillot
  • La décentralisation et l’autonomie dans les politiques européennes et nationales : instruments pour la démocratie et la participation ou pour la privatisation ? 14 novembre 12h-17h - Saint Denis – Stade Mandela 
    Cette réunion s’est attachée essentiellement au système éducatif. Un des axes du débat était la décentralisation comme un moyen détourné du libéralisme pour privatiser l’enseignement. L’exemple de l’Espagne montre que la décentralisation avait été bénéfique. Des normes communes ont été définies sur la base desquelles chaque région a pu définir ses propres orientations. Certains orateurs ont souligné que la décentralisation pouvait générer sa propre centralisation à un niveau régional. Par contre une plus grande autonomie des établissements scolaire était la garantie d’une décentralisation réussie. 
    (Peter Erhardy et Frédéric Pillot
  • Conflits oubliés en Europe de l’Est. 13 novembre 14h-17h – Ivry s/Seine – Cinéma Quai d’Ivry (Talline Tachdjian
  • Les droits de l’homme, un préalable obligatoire à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ? 14 novembre 9h-12h – Bobigny – Gymnase Henri Barbusse (Talline 
    Tachdjian
  • Jeunes : acteurs de la paix et luttes contre la guerre. 14 novembre 18h-21h – Saint-Denis – 
    Stade Mandela – Chapiteau (Talline Tachdjian
  • Face à l’Europe des Etats, l’Europe des peuples. 15 novembre 9h-12h – Ivry s/Seine – 
    Cinéma Quai d’Ivry (Talline Tachdjian

Atelier : 

  • Changement social et économie solidaire : de nouveaux rapports entre chercheurs et 
    acteurs : 14 novembre 9h-12h - Saint Denis – Mairie Salle du Conseil. 
    Sujets traités : développement de l’économie solidaire, l’évolution personnelle par rapport aux changements collectifs, les réseaux et les coopératives par rapport aux compétences. 
    (Peter Erhardy et Frédéric Pillot

Plénières 

  • Le FSM du Porto Alegre à Mumbai. 13 novembre 18h-21h – Paris La Villette – Grande 
    Halle (Frédéric Pillot
  • Les mouvements sociaux et citoyens/partis politiques (2) 14 novembre 18h-21h – Saint 
    Denis– Chapiteau Stade De France (Valérie Picquet et Frédéric Pillot
  • L’Europe dans la mondialisation libérale 15 novembre 9h-12h – Paris La Villette – 
    Grande Halle (Frédéric Pillot
  • Dimension de l'Islam en Europe. 14 novembre 9h-12h - Paris La Villette - Chapiteau 
    Mumbaï (Valérie Picquet
  • Conflits du travail contre logique du profit. 15 novembre - Paris La Villette - Espace 
    Condorcet 
    Avec des syndicalistes de 6 pays (Italie, Espagne, Allemagne, Grèce, Autriche, France 
    (Valérie Picquet

QUELQUES RAPPELS : 

Forum sociaux mondiaux : 
1ier Forum social mondial : à Porto Alegre (Brésil) en janvier 2001 
2nd Forum social mondial : à Porto Alegre (Brésil) en janvier 2002 
3ième Forum social mondial : à Porto Alegre (Brésil) en janvier 2003 
Information (site en 4 langues)

Le prochain FSM se tiendra du 16 au 21 janvier 2004 à Mumbaï/Bombay (Inde)
Information (site en anglais)

Forums sociaux régionaux (en Europe) : 
1ier Forum social européen : à Florence (Italie) en novembre 2002 
2nd Forum social européen : sur 4 sites autour de Paris (France) en novembre 2003 
Information (site en 5 langues) 
Le 3ième FSE se tiendra à Londres en novembre 2004