Débat militant
     
       Thèses sur le passé et sur l'avenir 
      du parti socialiste et de la gauche
 
  

 
Section de Genève

THÈSE N°1 : la défaite du PS le 21 avril 2002 est méritée

  1. La gauche ne gagne que si elle a des idées. Depuis la rentrée 2000/01, elle n'en avait plus.
  2. L'Europe a été le talon d'Achille de la politique française menée entre 1997 et 2002. Conduit par un Premier ministre dont certaines initiatives diplomatiques prêtaient à mettre en doute sa faculté à représenter comme il se doit la France à l'étranger, le gouvernement (exception faite d'Hubert Védrine), ainsi que le PS étaient dans l'incapacité intellectuelle de concevoir une politique étrangère audacieuse et volontariste, voire a fortiori de développer un projet d'avenir à la hauteur des enjeux de l'Union Européenne.
  3. Le PS doit présenter des propositions fortes au plan européen car c'est à ce niveau que se prennent de plus en plus de décisions dans les domaines économique, social, environnemental, etc… Or pour l'instant, les efforts de l'Europe se sont concentrés vers la libéralisation des marchés, et pas assez vers la protection de ses citoyens. (La privatisation des services publics, par exemple, n'est pas nécessairement positive pour le consommateur. On voit ce que cela a donné en Angleterre avec les chemins de fer).
  4. Le gouvernement de la gauche plurielle et les instances du Parti socialiste se sont montrés autistes et arrogants envers les adhérents et les militants de leur parti. 

THÈSE N°2 : le PS ne sait pas gérer sa défaite du 21 avril 2002 

  1. La direction du PS n'a pas su et voulu s'inscrire dans la mobilisation citoyenne née entre les deux tours des présidentielles. En adoptant cette attitude, elle s'est non seulement privée du soutien de nombreux électeurs lors des législatives de juin 2002, mais s'est aussi coupée d'un mouvement social et démocratique qui pourrait lui faire défaut à l'occasion de scrutins à venir.
  2. Comme si de rien n'était, certains dirigeants du PS n'ont désormais qu'une seule idée en tête : préparer leur propre échéancier présidentiel de 2007. Ce comportement égoïste augure d'une nouvelle défaite en cinq ans, car ce n'est pas en adoptant des schémas politiques traditionnels que l'on s'oppose à un système constitutionnel en crise. C'est pourquoi, l'idée d'une VIème République non présidentielle doit figurer au programme du PS.
  3. Le mode de pensée des socialistes demeure archaïque. Le débat ne se situe plus entre cette sempiternelle opposition entre « la gauche et la droite du parti », mais entre ceux qui s'attachent à préserver ou a contrario à dénoncer ou à renoncer (à) un cycle politique arrivé à échéance. En ce sens, la défaite du 21 avril marque aussi la fin d'un processus enclenché à Epinay-sur-Seine en juin 1971 et qui trente et un ans plus tard est arrivé au bout de sa logique.

THÈSE N°3 : la gauche doit redevenir une force de progrès

  1. Bien que réelle, l'opposition entre la droite et la gauche est de plus en plus mal perçue. Pour éviter cet amalgame trompeur, la gauche doit insister -aussi dans ses actes et sa pratique - sur ce qui la sépare de la droite, à savoir qu'elle incarne le progrès, alors que son adversaire représente le conservatisme.
  2. Pour incarner le progrès, la gauche doit rompre avec ses propres conservatismes. Plus nombreux qu'admis et présents dans des domaines aussi variés que p. ex. l'éducation, la politique du logement, les syndicats ou les associations, ils empêchent à plusieurs couches sociales de se reconnaître dans le combat de la gauche.
  3. La gauche doit plaider pour une société ouverte en opposition à une société fermée. Cette ouverture ne doit pas être restrictive et concerner des espaces très variés, qu'ils soient politiques, économiques, sociaux, environnementaux ou culturels. Elle demande aussi un effort de réflexion qui dépasse les carcans d'une pensée de gauche trop traditionnelle et entre-temps réfutée par l'électorat.

THÈSE N°4 : la gauche doit revoir sa conception de l'État 

  1. La gauche a trop lié son sort à celui de l'État. Elle ne voit en lui qu'un garant de la neutralité et de la protection sociale et économique, alors qu'à l'exemple même de sa propre politique des nationalisations elle s'est rendu compte de l'inexactitude de son analyse. Elle oublie aussi que l'Etat est doté d'appareils idéologiques de reproduction et de répression qui œuvrent ni pour une société plus juste, ni pour une société plus libre.
  2. La gauche française au pouvoir ne s'est jamais attaquée au fonctionnement de l'État. Par conséquent, elle a reproduit les modèles mis en place par les gouvernements de droite et gère à ses dépens et souvent sans s'en apercevoir une société conservatrice.
  3. La gauche française reste persuadée que les valeurs républicaines sont les seules à préserver la démocratie. Née à l'époque de la Révolution française, la confusion entre la République et la démocratie éclate désormais au grand jour. La gauche n'a pas à défendre la République, car celle-ci n'est pas menacée. En revanche, elle doit défendre la démocratie, car trop nombreuses sont les tentatives extrémistes ou fondamentalistes de s'attaquer à elle.

THÈSE N°5 : la gauche doit accompagner le changement social

  1. Avec la mondialisation, la société évolue encore beaucoup plus vite que la politique. La gauche doit être au diapason de cette évolution, apprécier rapidement les nouveaux besoins, donner des réponses concrètes aux défis économiques, sociaux et environnementaux pour ne pas se cantonner dans une position passéiste qui préserverait pour un temps des acquis appelés à disparaître à plus ou moins brève échéance.
  2. Ce n'est pas en redécouvrant « la classe ouvrière » ou les « classes défavorisées » que le gauche redeviendra majoritaire. Aujourd'hui, cette « classe ouvrière » ne s'identifie plus à une vocation révolutionnaire qui culturellement et politiquement n'est plus d'actualité. Par ailleurs, elle épouse parfois des modes de pensée conservateurs ou réactionnaires qui se situent aux antipodes des idéaux de la gauche. Par conséquent, celle-ci doit redéfinir dans un sens progressiste la dialectique née de l'opposition entre le travail et le capital et s'adresser à tous les salariés, ainsi qu'à des professions libérales pour qui la notion même de travail représente une émancipation et non plus une exploitation asservissante et uniforme. A cet égard, la gauche est obligée de mener une réflexion sur l'organisation des modes de production industrielle et intellectuelle, à l'exemple de ce qui fut entrepris lors de l'instauration des 35 heures, sans omettre toutefois de traiter la question de la redistribution des revenus. C'est pourquoi, elle doit rester fidèle à l'idée du partage du travail, sachant que dans les sociétés modernes, où l'offre extra-professionnelle est appelée à s'accroître, l'amélioration de la situation économique et sociale dépendra grandement des gains de productivité. En conclusion, il faudra faire accepter l'adage selon lequel « le travail c'est mieux, parce que c'est moins ! ».
  3. La gauche ne doit pas tomber dans le piège du saupoudrage social. Elle n'a aucune raison de soutenir des couches socioprofessionnelles qui lui demeurent grandement hostiles. C'est pourquoi, elle doit marquer sa différence par rapport à des corporatismes qui dans leur essence même représentent les forces de la réaction. En ce sens, elle est appelée à s'opposer à certaines pratiques en vigueur dans des professions où les intérêts particuliers l'emportent sur l'intérêt général. En faisant preuve d'un esprit particulièrement critique envers des formes d'exploitation qui, au-delà des firmes où elles sont exercées, engendrent des effets négatifs sur l'ensemble de la société, la gauche doit résolument se placer du côté des entreprises ouvertes à l'innovation et à la modernité et défendre en priorité les droits des consommateurs qui notamment dans les domaines de la santé, de l'énergie et de l'alimentation doivent juridiquement l'emporter sur ceux des producteurs.

THÈSE N°6 : la gauche doit briser la politique des faux consensus

  1. A l'heure de l'Europe et de la mondialisation, il est temps de mettre fin aux consensus nationaux. Ils peuvent exister, mais ceux-ci ne sont en aucun cas régis par une règle fixée ad vitam aeternam. Cela concerne surtout la politique étrangère qui, en suscitant des débats contradictoires de politique intérieure, permettra à la gauche de présenter son projet européen et international face à celui de la droite.
  2. Dans une Europe élargie, la défense des intérêts nationaux paraît révolue. Non seulement est-elle dangereuse, car « le nationalisme c'est la guerre » (F. Mitterrand), mais aussi elle est inadaptée en raison des enjeux communautaires qui par nature s'opposent à toute politique de repli sur soi. Ainsi, est-il parfois nécessaire de soutenir la position exprimée par un État voisin ou par une instance européenne contre celle défendue par son propre gouvernement. A titre d'exemple, cela concerne surtout la réforme de la Politique Agricole Commune. 
  3. Parce que la démocratie privilégie toujours l'intérêt général aux dépens des intérêts particuliers, la politique ne doit pas favoriser une proximité synonyme d'égoïsme. Une politique proche des gens n'est pas une politique pour tous les citoyens, dès lors qu'elle favorise certaines populations au détriment d'autres et ne respecte plus le principe inviolable des solidarités et des équilibres nationaux, régionaux et locaux. C'est pourquoi, la gauche ne peut s'accommoder « d'une idéologie de la proximité » contraire à sa propre conception de l'égalité et de la justice.

THÈSE N°7 : la gauche doit reprendre le combat culturel

  1. Vive l'idéologie ! Car dans le mot idéologie, il y a le mot « idée », une idée à laquelle la gauche avait oublié de rester fidèle. Il ne s'agit pas de s'enfermer dans « une idéologie », mais de s'ouvrir à de nouvelles idées. La gauche doit redevenir cette fabrique à idées qu'elle n'a plus fait fonctionner ces dernières années. A l'inverse de la droite qui a d'autres atouts dans son jeu, la gauche a pour principal capital sa capacité à innover, à développer et à créer de nouvelles idées. En ce sens, c'est le combat pour « l'hégémonie culturelle » selon Gramsci qui recommence.
  2. « L'idéologie dominante est celle de la classe dominante » (Marx). Marx avait là raison, à l'image de la production médiatique qui aujourd'hui déferle dans un monde mondialisé où la production de masse, et souvent de mauvaise qualité, prend le dessus. Mais en lieu et place d'une politique de repli qui consiste à défendre on ne sait quelle « exception culturelle », il s'agit pour la gauche d'opposer d'autres formes de communication, d'ouvrir de nouveaux espaces culturels et surtout d'avoir le courage de dénoncer une médiocrité voulue d'un paysage audiovisuel et médiatique contrôlé par la droite.
  3. Mais Marx a également tort. Le pouvoir politique n'a plus le monopole de l'idéologie. Dans les sociétés modernes et pluralistes, c'est souvent dans l'opposition que naissent les nouveaux concepts et les nouvelles idées. C'est pourquoi, la gauche doit redonner confiance aux intellectuels qu'elle a trop souvent méprisés, recréer en son sein des groupes de recherche et des clubs de débats et enfin replacer la pensée dans ses pensées. 

THÈSE N°8 : la gauche, c'est le parti de la liberté

  1. La sécurité n'est pas la première des libertés, mais la liberté c'est la première des sécurités. En ayant déclaré le contraire, la gauche est tombée dans le piège tendu par la droite. Car la gauche n'a pas encore compris que la droite sait mieux manier la dialectique « liberté/sécurité » qu'elle ne sait le faire elle-même. Les conservateurs en appellent d'une part à la liberté lorsque la gauche attaque le libéralisme économique et invoquent d'autre part la sécurité quand le citoyen se voit accorder plus de liberté(s). Pourquoi ne pas renverser cette dialectique au profit de la gauche ? En accroissant la sécurité des salariés, des assurés et des consommateurs. En élargissant les libertés des citoyens devant la justice, en accordant de nouveaux droits à chacun d'entre nous en se rappelant qu'ici et maintenant, et à travers le monde entier, « la liberté est une et indivisible ».
  2. La liberté, c'est le premier et le plus beau mot de la République. Pour avoir donné la priorité à « l'égalité » et à « la fraternité », soit à la solidarité, la gauche a quelque peu oublié que la devise de la République commençait par la « liberté ». A elle maintenant d'y remédier et de défendre, en s'inspirant de toutes les législations européennes d'ores et déjà en vigueur, « la Charte des Droits de l'Homme » adoptée lors de la signature du Traité de Nice en décembre 2000 et dont le texte fera intégralement partie de la constitution européenne à venir.
  3. Et si les libertés individuelles étaient plus importantes que les libertés collectives ? L'une des causes majeures de l'échec du communisme soviétique est due à la primauté donnée aux libertés collectives aux dépens des libertés individuelles. Parce que cette approche a conduit tout droit au totalitarisme et à la négation des droits de l'homme (Hannah Arendt), la gauche n'a que pour seul choix de devenir « le parti de la liberté ».

THÈSE N°9 : la gauche, c'est aussi le droit de rêver ! Elle qui nous a plus fait rêver !