Débat militant |
![]() |
||
Cinq mois après sa terrible défaite électorale et à sept mois de son prochain congrès à Dijon, le parti socialiste est de nouveau pris dans la tourmente. Bien qu'il « en ait vu d'autres », à Rennes en 1992, puis aux législatives en 1993, la crise actuelle est plus qu'une rechute. Elle pose un problème de fond, derrière les inévitables querelles d'appareils et ambitions compétitives. Trente ans après Épinay, il s'agit ni plus ni moins que de définir une doctrine, une identité socialiste. Sommes-nous fatalement condamnés à choisir entre la rupture et le statu quo, entre l'utopie et le conservatisme ? Non, car je crois sincèrement à l'existence d'une troisième voie, celle du réalisme. L'utopie et son optimisme sous- jacent, ont fait leur temps et ceux qui en espèrent de grands soirs risquent d'avoir des lendemains qui déchantent. L'idéal a du bon mais, il se heurte hélas à la dure réalité et conduit souvent à faire du mal au nom du bien. Nous l'avons déjà éprouvé : rupture avec le capitalisme à Metz, en 1979, mais compromis une fois arrivés au pouvoir en 1981. L'ère des ruptures appartient décidément au passé. Il ne s'agit pas non plus de passer d'une extrême à l'autre, de l'utopie au conservatisme, au contentement de soi, à la pédagogie du tout va bien. La société va bien, il n'y plus rien à faire qu'à la conserver, à la gérer. Pour cela, il n'est pas besoin de politiques, de simples gestionnaires suffiraient. Encore que la conservation est nécessaire dans une société : conservation de la nature (écologie) de la culture (éducation) de l'homme (contre les manipulations génétiques) de la mémoire (contre les négationnistes) des institutions (respect de la démocratie) etc... On ne peut du passé faire table rase. Mais il faut conserver en réformant, en transformant la société réelle, telle qu'elle est. Cette réalité est dure, mais elle est. C'est même peut-être aujourd'hui et pour longtemps, la pire que nous ayons eu à vivre. Une politique qui se donnerait pour tâche d'affronter ce pire, de le réduire en le confrontant au réel serait une politique sage et préférable à un hypothétique et utopique meilleur. « Aller à l'idéal en passant par le réel » disait Jean Jaurès.
|
||
|