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Section des isolés, Bielefeld (Allemagne)
Je limiterai mon propos à l'essentiel : une idée sur l'organisation, une sur le programme.
1) L'organisation : Une constatation empirique nous amène à observer notre fabuleuse capacité à décourager les nouveaux militants. Je n'ai pas de chiffre mais la plupart des nouveaux militants ne restent pas, ne reprennent pas leur carte. La pusillanimité n'explique pas tout. La plupart ne reviennent pas parce qu'ils s'ennuient, parce qu'ils ne trouvent pas ce qu'ils cherchent, parce que nous ne sommes pas adaptés à leurs attentes. Postulons un distinguo entre militants traditionnels et militants bobo. Ce qui explique le vieillissement de notre composition, c'est peut-être que nous sommes adaptés à l'accueil des militants traditionnels, pas des bobos. Pire, à côté des nouveaux adhérents qui ne restent pas parce que ça réfléchit pas assez, nous subissons aussi une hémorragie de nouveaux camarades qui trouvent que ça réfléchit trop et qui se sentent trop bêtes pour rester. C'est peut-être la seconde cause de notre vieillissement et la première de notre coupure avec les milieux populaires ! Aujourd'hui, l'économie a besoin et forme, notre richesse permet et finance, l'idéal républicain poursuit et produit, un niveau culturel plus élevé et individuellement plus autonome. Les « à peu près 18-45 ans » qui nous rejoignent pour nous quitter aussitôt veulent souvent militer en un sens nouveau. Non pas pour tracter, boîter, être ensemble, éprouver une identité commune… Pour cela nous avons déjà les sections et elles remplissent très bien leur fonction. Mais réfléchir, se cultiver, saisir le monde, s'approprier des concepts, des idées, des réflexions. Bref, comprendre. Si nous voulons nous développer (enfin !) en termes militants et rattraper notre retard sur nos camarades d'Europe du Nord, peut-être qu'une seconde chance historique s'offre à nous. Nous avons besoin d'une ATTAC socialiste, une association liée au PS mais autonome, plus critique, plus diverse, spécialisée dans la réflexion collective, focalisée sur quelques propositions fortes, décisives, symboliques, structurantes, mobilisatrices… (Conseil de Sécurité économique et annulation de la dette du tiers-monde, Europe fédérale et adhésion de la Turquie, développement durable et organisation mondiale de l'environnement, droit de vote des immigrés, dépénalisation des drogues douces…) Une sorte d'université populaire pour bobo.
2) Le programme : Peut-être qu'une des causes du 21 avril se trouve dans une sorte d'angle-mort, de point-obscur, de trou-noir dans la représentation que nous avions de la France. Entre les classes moyennes et les exclus, il y avait plusieurs millions de citoyens exaspérés et frustrés. La détresse sociale, l'angoisse de l'avenir, le malaise et le mal-être ne se limitent pas aux exclus. Ils concernent aussi les mal-inclus, les travailleurs pauvres. La France n'est pas qu'un pays de classes moyennes qui manque de solidarité avec ses exclus. Elle en manque aussi avec ses ouvriers et ses employés de base qui vivent dans la peur du chômage et la précarité de l'emploi, l'incertitude et la pénibilité. Ce qui signifie qu'il faut combattre non seulement le chômage (la société de plein-emploi est la meilleure arme contre le racisme et le sentiment d'insécurité) mais aussi la faiblesse du pouvoir d'achat des travailleurs pauvres. Parlons vrai. Le chômage et la faiblesse du pouvoir d'achat des salariés de base sont un choix collectif, sûrement inconscient, mais certainement dévastateur à long terme pour la société et pour l'intérêt bien compris de chacun. La croissance est faible, ça crispe les égoïsmes, mêmes inavoués. Ce qui signifie que la lutte contre le chômage et pour la revalorisation des bas-salaires passe par le partage du stock de croissance actuelle à défaut d'augmentation du flux de croissance. Premièrement, la revalorisation des bas-salaires, parce qu'elle doit être effective, passe par la stagnation des revenus plus élevés (c'est le champs des politiques salariale et fiscale). Deuxièmement, la création d'emploi par la croissance seule est insuffisante (même avec une politique keynésienne de relance conjoncturelle au niveau pertinent c'est à dire l'UE). Elle doit être étayée par le développement volontariste d'un tiers-secteur et par la RTT qu'il serait folie de laisser discréditée. Au surplus, ce traitement par les causes sociales est un des remèdes de fond contre le fascisme et l'insécurité.
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