Débat militant |
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Dans « Le Monde » du 20 septembre 2002, Arnaud MONTEBOURG et Christian PAUL réclament un référendum sur « l'élargissement de l'Europe ». Que disent nos deux députés PS ? Ce que Marie-Noëlle LIENEMANN résume ainsi : « La question de l'élargissement [pose] un problème politique majeur à notre Parti [Socialiste] car les militants n'y sont pas favorables ». Étonnant de la part de députés qui nous avaient pourtant habitués à aller au delà d'intérêts établis pour défendre une certaine idée du Droit et de la Politique. La proposition de référendum n'est pas un problème en soi : tout citoyen a le droit de se prononcer sur son avenir ! En 1992, malgré des craintes sérieuses, François MITTERRAND a imposé et gagné le référendum sur Maastricht. Sans ce référendum, et le débat qu'il a provoqué, nous n'aurions sans doute pas eu la force d'aller jusqu'au bout de l'Euro. Et le récent succès du OUI en Irlande donne au traité de Nice une légitimité populaire qu'il n'avait pas jusqu'alors. La justification de cette proposition est dangereuse car
Les socialistes français ne peuvent être fiers de l'absence de perspectives de leur politique européenne entre 1997 et 2002. Les formules fétiches « Fédération d'Etats Nation », « Faire l'Europe sans défaire la France » cachaient au mieux un vide conceptuel au pire une aversion pour la construction européenne. En revanche, lorsque nos partenaires allemands font des propositions, ils sont renvoyés dans leur but au nom d'un dogmatique refus de « l'Europe a plusieurs vitesses », pourtant réalité. Ou soupçonnés de ne penser qu'à diminuer la contribution allemande au budget de l'UE. |
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A quelques exceptions près, les politiques français ont déserté le débat sur l'avenir de l'Europe, préférant sous-traiter ce dossier aux fonctionnaires et spécialistes. Ainsi, la construction européenne a progressé à l'insu de l'opinion publique. Faute de transparence, les Français sont aujourd'hui la proie d'inquiétudes. En Allemagne ou en Autriche, le débat sur l'élargissement a eu lieu. Et les peurs se sont estompées. Prenons-y garde ! En refusant de débattre, puis de voter, sur les problèmes de fonds, nous développons le terreau de tous les populismes ! « Sus au débat ! Le pouvoir aux technos ! » semble être un réflexe partagé par l'UMP et le PS sur les questions européennes. Quel désaveu pour ceux qui espéraient que la Convention pour l'Avenir de l'Europe mettrait le déficit de démocratie en Europe au cœur de ses préoccupations ! Les enjeux de l'élargissement n'ont pas été débattus en France. Ils méritent de l'être, pour éviter aux stéréotypes actuels de rester ancrer au sein de l'opinion publique. Certes, il ne suffit pas de dire que la stabilisation et le retour à la démocratie des pays d'Europe centrale, le retour à la paix dans l'ex-Yougoslavie sont dus à la formidable attraction du modèle européen et à la perspective d'intégration offerte aux pays d'Europe centrale et orientale. Mais il est important de toujours l'avoir à l'esprit. Bien entendu, il ne faut pas minimiser les conséquences de l'élargissement sur le fonctionnement des institutions de l'UE. Une rénovation s'impose : tous les pays concernés doivent pouvoir en parler, à égalité. Ce qui n'est pas encore le cas. Comme le disent certains en Europe centrale « Vous avez eu 40 ans pour approfondir sans nous. Regardez le résultat. Alors, acceptez que nous travaillions ensemble sur ce beau projet ». Historiquement, le débat « Élargissement ou Approfondissement » est toujours la bonne excuse des partisans du statu-quo ! Or, c'est en élargissant que l'on trouve la force et la justification des étapes suivantes de l'intégration politique. Sans l'Espagne et le Portugal, aurait-on eu l'Acte Unique ? Sans la réunification allemande aurait-on eu l'Euro ? Et sans l'élargissement de 1995, aurait-on eu les traités d'Amsterdam ou de Nice, qui, même imparfaits, participent à la structuration politique du continent ? Évoquons aussi la remise en cause de notre modèle économique et social, voire politique, à l'occasion de l' élargissement. Facile d'écrire : « Nous sommes riches, ils sont pauvres. Si nous partageons alors nous serons moins riches, donc ne partageons pas ! ». Mais trop simpliste. Lors des dernières années, l'augmentation du commerce entre pays candidats et UE a été phénoménale. Ces pays sont aujourd'hui déjà intégrés au marché européen. Le développement des échanges a permis aux entreprises de l'UE d'explorer de nouveaux marchés, auparavant fermés. L'Emploi dans nos pays en a bien profité, sans remise en cause des acquis sociaux. Tandis que le niveau des rémunérations en Europe Centrale commençait à se rapprocher, peu à peu, des nôtres. On nous parle agriculture ? A l'Ouest et à l'Est, de fortes angoisses s'expriment. L'Est a peur, car les agriculteurs français conserveront des aides bien plus élevés et disposent de structures performantes. Or, la défense de l'agriculture ne passera pas par une compétition, mais par une évolution progressive et maîtrisée. Nous savons bien, en France et en Pologne (pays les plus agricoles), que nous ne pourrons pas éviter une réforme de la PAC, élargissement ou pas. Alors pas de procès d'intention aux pays candidats : ils n'ont rien à voir avec la remise en cause de la PAC, sujet de contentieux avec les USA à l'OMC et d'exaspération pour plusieurs pays européens contributeurs net au budget de l'Union. Au contraire, l'élargissement est une condition politique indispensable à la défense de la PAC. Evitant ainsi à la France d'être seule en pointe sur ce dossier. Suppression des aides européennes pour les régions françaises ? Sachons que plusieurs pays candidat risquent de se retrouver contributeurs nets au budget de l'Union dès leur adhésion. Ceci alors que la France reste l'une des principales bénéficiaire de la solidarité européenne. En termes de système social, de qualité de vie ou de protection de la diversité culturelle, les pays candidats à l'UE ont les mêmes souhaits que nous, bien que n'ayant pas les mêmes moyens. Parce que nous sommes plus forts, il faut aujourd'hui défendre notre modèle en les incitant et les aidant à l'adopter et le développer. Sans notre participation, faute d'espoir de parvenir seuls à l'atteindre, ils risquent de s'en détourner, au plus grand risque de l'Europe dans son ensemble. En cela, l'acquis communautaire, repris progressivement avec des efforts louables par les pays candidats, constitue la meilleure défense de notre modèle culturel, politique et social européen. |
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Pouvons nous accepter à nos frontières un modèle qui s'inspirerait plus de celui du sud-est asiatique que du nôtre ? Nous ne serions pas assez fort pour peser sur la mondialisation. Notre organisation sociale, moins compétitive n'y survivrait pas. Et l'absence de la reprise de nos règles environnementales et principes de précaution par nos proches voisins nous menacera directement. C'est l'Europe géographique - et non l'UE - qui est l'Espace où se fait l'Histoire de l'Europe et de ses citoyens, où les influences diverses, internes et externes, se heurtent et tracent l'avenir du continent. L'élargissement de l'UE, c'est la ré-appropriation de cet espace par le politique. Dans la foulée, si nous en avons l'audace, nous pourrons alors renforcer ensemble notre modèle économique et social. Ne comptons pas sur une Europe, réduite à la portion congrue, fragilisée à ses frontières, pour défendre dans un monde globalisé un idéal ou un modèle qu'elle aurait renoncé à faire vivre sur l'ensemble de son espace. Alors un référendum sur l'élargissement ? Pourquoi pas ? A condition de débattre ouvertement et honnêtement, de dire ce qui est vrai, de fuir les arrière-pensées. Sinon, le référendum se transformerait alors en un plébiscite du populisme et du malthusianisme. Avec, comme victimes, les citoyens européens, car l'élargissement de l'UE constitue un instrument indispensable pour consolider notre modèle social et politique et continuer à faire de l'Europe un espace solidaire et ouvert. |
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