Débat militant
     
       Pour une nouvelle gouvernance économique en Europe  
  

 
Mickaël Laurans, Section de Londres*

* Les adhérents suivants de la section de Londres ont cosigné cette contribution : Émilie Abblard, Cécile Chard, François Cournil, Patrick Dancourt, Antony Ebelle-Ebanda, Laurent Filloux, Pierre Grandjouan, Stéphane Goldstein, Mickaël Laurans, Philippe Marlière, Annie Morgan, Valérie Rabault, Arnaud Vervoitte.

Notre opposition déterminée au gouvernement Raffarin et à ses choix économiques et sociaux, ainsi que nos fortes convictions européennes, ne doivent pas nous forcer la main dans les débats récents autour du « Pacte de Stabilité et de Croissance ». Oui, la France a d'autres priorités que se devoir se conformer à la règle d'un déficit budgétaire en-deçà de trois pour cent du PIB, mais ces priorités ne sont pas celles de Mr Mer. 

Ces priorités sont de restaurer la hiérarchie des objectifs économiques en faveur de la croissance et de l'emploi. Une croissance forte, créatrice d'emplois et respectueuse de l'environnement. Un emploi véritable, facteur d'intégration et de dignité sociale, bien loin des « working poors » du modèle néo-libéral, et seul moyen à terme de maîtriser les équilibres financiers de la dette nationale, de la sécurité sociale et des retraites. Dans ce cadre d'action, le déficit budgétaire, utilisé de manière intelligente et volontaire, a un rôle important à jouer, et ce, au-delà du chiffre arbitraire des trois pour cent du PIB.

Il convient désormais au Parti Socialiste de relayer, à l'Assemblée Nationale et au Sénat, au Parlement Européen, au sein de la Convention Européenne et du Parti Socialiste Européen, et en collaboration avec nos partenaires européens, les propositions de réforme du « Pacte de Stabilité et de Croissance ». Au-delà du pacte, il convient aux socialistes de s'engager pour la définition et la mise en place d'une véritable coopération économique en Europe. 

Cette contribution se propose de poser les principes de ces réformes pour une nouvelle gouvernance économique en Europe. 

La politique budgétaire.

  1. Réhabilitation du rôle du déficit budgétaire en tant que stabilisateur automatique (en cas de récession) et lorsqu'il finance des programmes d'investissement à même de garantir une croissance ultérieure plus forte (théories de la croissance endogène). Comprenant que les États-membres risquent de contester ce qui constitue ou pas un programme d'investissement, une procédure d'approbation, de contrôle et de coordination, autour d'une définition européenne de l'investissement et dont les modalités resteront à déterminer, s'impose. 
     

  2. Redéfinition du « Pacte de Stabilité et de Croissance » sur des modalités qui prennent en compte la situation conjoncturelle, l'endettement et le service de la dette, et les perspectives de croissance des États-membres.
     

  3. Révision des procédures de manquement au pacte, dans un sens qui renforce la légitimité de l'action de contrôle de la Commission Européenne.
     

  4. Réorientation du budget européen pour constituer un fonds d'action européen. Ce fonds sera destiné à faire face à des chocs externes qui affectent plus d'un pays de l'Union (forte volatilité du cours des matières premières, récession mondiale, catastrophes naturelles). 

La politique monétaire.

  1. Redéfinition de la mission de la Banque Centrale Européenne sur un modèle conforme, non plus à la Bundesbank, mais à la Banque d'Angleterre et à la Federal Reserve américaine. La nouvelle mission de la BCE contiendra un objectif de croissance dans la stabilité monétaire et une référence explicite a la cohésion sociale et aux obligations/responsabilités exigées par la Charte Sociale. Les compte-rendu des débats seront publiés ainsi que le résultat du vote collectif (non pas les votes individuels).
     

  2. Autonomie, et non pas indépendance, de la BCE face à une contrepartie politique indispensable. Dans le schéma institutionnel actuel et en attente d'un véritable gouvernement européen, l'Eurogroupe et le Parlement Européen devront prendre conjointement, selon une méthode à déterminer, la décision politique de déterminer les objectifs de la politique monétaire, dont la mise en oeuvre technique reviendra à la BCE. La BCE rendra compte de sa performance devant l'Eurogroupe et le Parlement Européen à intervalles réguliers et à chaque fois que les objectifs ne seraient pas atteints.
     

  3. Concrètement, il sera mis fin à l'objectif asymétrique de 0-2% d'inflation qui entretient des dérives déflationnistes et d'étouffement de toute reprise. Un objectif symétrique, à déterminer par l'Eurogroupe et le Parlement Européen, sera adopté. Il est généralement admis que cet objectif prendrait initialement la forme d'une bande d'inflation comprise entre 1 et 3 ou 4%.

Les politiques structurelles.

  1. Levée du plafonnement actuel du budget européen à 1,27% du PNB de l'Union. Ce sont les besoins qui doivent décider du montant du budget européen et non pas un autre chiffre arbitraire. 
     

  2. Réforme des ressources fiscales de l'Union rendue indispensable par la multiplication de ses nouvelles compétences et de son importance dans la gouvernance économique en Europe.
     

  3. Réorientation du budget européen vers les fonds structurels. Au sein de la zone Euro, les fonds structurels, au-delà de leurs fonctions actuelles, seront affectés à des opérations de redistribution territoriale vers les régions sérieusement touchées par les externalités négatives du taux d'intérêt unique.
     

  4. Réorientation du budget européen vers un programme d'investissement dans les nouveaux pays membres suite à l'élargissement de 2004. Il s'agit au minimum de maintenir le niveau des programmes de développement pré-accession (programme PHARE, par exemple), que seule la réorientation des fonds structurels après élargissement ne saurait assurer.
     

  5. Redéfinition de la politique de concurrence et de commerce pour prendre en compte la nécessité d'une politique industrielle de développement des technologies et des innovations de l'avenir coordonnée à l'échelle européenne.
     

  6. Réforme indispensable de la PAC sur des principes de respect de l'environnement, de développement durable et international.
     

  7. Définition d'un pacte social européen au-delà du plus petit commun dénominateur et prenant en compte les conséquences de l'élargissement. Ce pacte fera partie intégrante de la Charte des droits fondamentaux.