Débat militant
     
       Études, travail et retraite en Europe  
  

 
Pierre Lichterowicz & Philippe Dumas
Section de Bruxelles

Être socialiste en France et en Europe, c'est comprendre et vouloir que l'UE soit une clé de notre progrès social.
Mais face à une Union devenue un grand marché où les inégalités s'accroissent, quelles réponses socialistes pouvons-nous, les Socialistes, apporter ?

Quelles solidarités au cours de la vie des Européens au travail ? 
Quelles propositions politiques socialistes pour la vie quotidienne des salariés ?
Un salarié est un ex-étudiant et un futur retraité. Sa vie est jalonnée d'accès à des mécanismes de solidarité qui demeurent aujourd'hui presque exclusivement nationaux.
Doit-on laisser le marché gérer au mieux la préparation, la vie puis la sortie du monde du travail ?

Nous pensons que le marché et la responsabilité individuelle instaurés comme règle politique sont, pour ces 3 domaines, contraires aux intérêts des salariés. À la responsabilité, nous devons opposer l'obligation de solidarité : pour les études, la privation d'emploi et la vieillesse. Principes anciens et plus que jamais conformes à notre sensibilité, ainsi qu'à celle de nombreux autres partis européens.

Être socialiste aujourd'hui, cela signifie avant tout de démontrer que solidarité et entraide, coopération et assistance mutuelles doivent rester les fondements de nos politiques publiques. L'employabilitié, concept libéral par excellence, doit selon nous s'effacer devant les logiques de redistribution et de partage intergénérationnel. 

En somme, être Socialiste en Europe et en France, c'est continuer de croire que la coopération et la solidarité sont plus efficientes, de croire que la concurrence et la responsabilité individuelle, doivent être encadrées lorsque des pressions s'exercent aux deux extrémités de la vie professionnelle des salariés. Cela est particulièrement vrai dans les domaines de l'Éducation, de la Formation tout au long de la vie, mais encore davantage en ce qui a trait aux droits des travailleurs en général, des salariés en particulier. Tout ce qui fonde les politiques publiques des droits à retraite constitue une sorte de renouveau dans l'histoire politique (Bismarck est bien loin, quoique…). La retraite des salariés est encore loin d'occuper la place qui lui est due, dans une société vieillissante d'une part, et productiviste de l'autre.

Nous, Socialistes, nous Français, nous Européens, fourmillons de propositions, de projets de réforme, de bonnes volontés. Cependant, nos réponses sont aujourd'hui incomplètes, frileuses voire absurdes : « contre les fonds de pension, pour l'épargne salariale », pouvait-on par exemple lire dans la dernière plate-forme électorale du Parti socialiste.(1

Il faut s'en souvenir : dans une société de redistribution, la seule vraie richesse d'un vieux salarié, c'est son droit à retraite. La plus forte violence qu'il puisse subir aujourd'hui, c'est sa remise en cause.
La banalisation de ce droit combiné à la formidable distorsion de la pyramide des âges dans l'ensemble des pays riches est en train de tout bouleverser. 
La seule vraie richesse d'un jeune salarié, c'est son niveau de formation, s'il est adapté aux attentes du marché et s'il lui permet de s'adapter aux futures attentes. 
Enfin, la sécurité du salarié au travail ne passe pas que par la protection de son emploi, mais avant tout par la garantie temporelle (intergénérationnelle) d'un niveau de revenu décent.

Nos modèles de retraites reflètent des choix et des modèles de société : ils projettent et matérialisent toutes nos convictions politiques. À quoi croyons-nous ? À quelles solidarités ? À quels financements (par exemple, qui, en France, a aujourd'hui conscience de payer les retraites de certaines catégories de salariés américains) ? 

La construction d'une Europe politique ne doit plus se faire sans une vraie démarche parallèle pour une Europe sociale. L'Europe politique ne pourra se limiter à n'être qu'un grand Marché, une monnaie commune et une autorité de la concurrence toute puissante, où les règles sociales seront mises de côté ou réduites à leur plus petit dénominateur.

Fonder une Europe sociale, c'est répondre aux attentes que la société nous envoie, afin de répondre aux défis que constituent la Formation, le Travail et la Retraite. 
    

  1. Le dernier scandale du CREF, ou 450,000 salaries du public (essentiellement instituteurs et postiers) ont vu leur Épargne détruite par lâcheté politique devrait être un bon déclencheur pour nos réflexions ? Tout comme le PEE de France Telecom ou autres sociétés nationales. Ou encore les 401K réduits à néant sur des grandes entreprises US. Les plus durs ajustements restent à gérer. Occupons un créneau ou la droite se trompe (sur les attentes et la faisabilité)
     
1/ Comment se former en Europe
  • Obligation et assistance
  • Assistance et solidarité

Face au danger d'une éducation privatisée, d'une école où les entreprises géreraient l'éducation, nous devons marquer notre opposition. L'Europe de l'enseignement doit rimer avec égalité des chances.
Vouloir plus d'Europe dans ce domaine, c'est vouloir profiter de l'échange des cultures non de son harmonisation.
Pour cela, il faut que les États et l'UE se donnent les moyens d'offrir une éducation « européenne » (éducation civique, langues…).
Les programmes d'échange universitaire doivent être plus démocratisés. Donnons nous encore une fois les possibilités d'offrir a tous les jeunes les moyens d'étudier en Europe.

L'ambition de l'éducation en Europe doit être avant tout de lutter contre l'illettrisme encore grandement présent dans chacun des États-membres.

2/ Travailler en Europe

  • Emploi et chômage
  • Chômage et formation
  • Chômage et indemnisation

50% des emplois créés dans l'Union en 2000 sont des emplois précaires, selon l'Institut de Dublin. Ce niveau élevé de précarité n'est que le symbole d'une situation présente dans chaque pays, mais face à quoi l'Europe nous offre aucune réponse.
Donnons les moyens à l'Europe d'être politique mais exigeons quelle nous apporte un progrès social.
Car si nous voulons construire l'Europe, c'est au nom de certaines valeurs 'socialistes', mais ces même valeurs doivent nous pousser à lutter contre l'illettrisme, le chômage et la précarité, contre toutes formes d'exclusion.

Nous avons réussi à nous entendre pour combattre l'inflation, pour fonder une politique monétaire commune ; pourquoi nous contenter de rustines en matière sociale ?
Si nous voulons que l'Europe que nous construisons soit la marque d'un certain nombre de valeurs, ceci ne doit plus durer.

Pourquoi ne pas être ambitieux en matière sociale en nous fixant des critères sur :

  • le taux de chômage
  • le taux de pauvreté
  • le taux de mal logés
  •  …

Vouloir que l'Europe intervienne pour l'emploi, c'est lutter contre une dérive libérale. C'est affirmer que les puissances publiques peuvent s'opposer au marché.

Comment pouvons nous encore accepter le dumping fiscal toujours présent dans un marché unique, une charte des droits fondamentaux des travailleurs et de chômeurs, qui n'est pour l'instant qu'une annexe ?

3/ Se retirer en Europe

  • Des modèles opposés
  • Des pratiques différentes
  • 50 000 heures ? Pourquoi, pour qui ? Une nouvelle erreur de type 35 heures ?
  • Responsabilité individuelle, d'entreprise, nationale ou européenne ?

La réémergence de la problématique des retraites est politiquement, économiquement et financièrement, l'une des plus complexes auxquelles se trouvent confrontés les responsables politiques, syndicaux, institutionnels, et privés. L'Europe doit résoudre au plus vite (d'ici à 2010 selon certaines études), un immense déséquilibre de sa pyramide des âges, bien connu, et depuis longtemps. Que faire, comment et avec quels partenariats ? Qu'il s'agisse des assemblées politiques nationales ou européennes, les diagnostics sont unanimes : les solutions ne pourront être que mixtes, concertées, et consenties par les publics qu'elles visent. En d'autres termes, la contractualisation déjà omniprésente dans le monde du salariat, devrait se contenter de délimiter le champ de responsabilité de l'entreprise vis-à-vis de son salarié vieillissant, ainsi que le nécessaire pendant sociétal de ce principe, c'est-à-dire l'accompagnement par les pouvoirs publics, du salarié en fin de carrière. Cela est pour l'heure un des moyens de s'attaquer aux problèmes de financement des retraites. Cela pour autant, ne permettra que de « parer au plus pressé » pendant quelques années, le temps pour les pays européens de mettre une touche finale aux engagements qu'ils devront prendre pour les générations futures.

L'Union et ses États membres doivent affirmer leur puissance face au libéralisme pour rendre l'économie européenne toujours plus sociale.
Pour arriver à ces objectifs, dotons l'Union d'un financement propre à la hauteur des responsabilités que nous voulons lui donner.
Il faut créer un impôt européen qui permette à l'Europe de répondre notamment aux défis sociaux qui se posent.
Ce n'est pas la 'main invisible' qui répondra à nos attentes…

Mais fonder l'Europe sociale ne doit pas signifier l'harmonisation de nos systèmes sociaux mais des résultats qui en découlent…
La crainte que face à une politique sociale européenne, une harmonisation des règles supprimerait tout acquis et entraînerait les jeunes, les salariés, les chômeurs et les retraités vers un moi-disant social doit trouver une réponse claire.
Au contraire, une harmonisation sociale vers le haut peut et doit se faire quand on s'inspire de ce que font le mieux les pays voisins…