|
La Section de Thaïlande souhaite, en préambule, réagir à l’appel de notre camarade Jean-Daniel Chaoui, secrétaire fédéral à la mondialisation, qui nous engage à devenir membre d’ATTAC.
L’engagement auprès des altermondialistes semble certes un combat citoyen, qui marque l’intérêt pour les problèmes de développement dans le monde, l’environnement, la réduction de la fracture Nord-Sud, etc. Il faut cependant rappeler la prééminence du processus démocratique. Sous prétexte qu’elles défendent des causes dites « nobles », certaines de ces associations pensent détenir une légitimité démocratique. Hors celle-ci est avant tout liée à la notion de responsabilité politique et ne peut s’acquérir que dans les urnes. Plutôt que d’engager les membres du PS à rejoindre les rangs des « alters », nous devrions au contraire nous interroger sur le discours et les propositions qui permettraient de nous rallier les supporters de ces mouvements afin qu’ils deviennent membres du PS, nous faisant ainsi profiter de leurs opinions, de leur sens aigu des problèmes de la planète et de ses sociétés et de leur enthousiasme communicatif. Le PS se doit d’être plus militant dans tous les domaines chers aux partisans d’une « autre mondialisation », car seuls les politiques, et non les associations, ont les moyens d’agir efficacement pour mettre le monde sur la voix d’un développement durable et profitable à tous. Les socialistes doivent s’affirmer comme les locomotives du train altermondialiste.
Par ailleurs, nous relèverons parfois chez ATTAC et Le Monde Diplomatique, qui sont les fers de lance du mouvement « alter » en France, une tendance à soutenir « mordicus » des régimes peu soucieux des droits de l’homme, comme ceux de Cuba ou du Venezuela. Ceci au prétexte premier qu’ils sont contre le « libéralisme à l’américaine », avec en arrière-fond une certaine nostalgie pour un système politique qui a fait, pendant la guerre froide, la preuve de son inefficacité et de sa brutalité envers les libertés.
Le PS doit donc chercher sa propre voie et afficher des réponses originales aux multiples défis posés par la mondialisation. La réflexion que nous devons engager sur le sujet, et qui débouchera, espérons-le, sur des propositions concrètes insérées dans le programme du Parti pour les prochaines élections nationales, aura pour but de résoudre certaines contradictions que nous avons relevées dans le discours des « alters » et dans celui du PS :
- Dans le domaine agricole, peut-on à la fois lutter contre une réforme de la PACS en Europe et prétendre défendre les intérêts des paysans du Sud ? Il faut trouver des solutions pour repenser la production agricole européenne sans laisser tomber le monde paysan. Nous devons affirmer clairement que la suppression des subventions agricoles en Europe est un objectif noble et prioritaire qui bénéficiera grandement aux agriculteurs des pays les plus pauvres.
- L’accès aux soins et aux médicaments : les firmes pharmaceutiques européennes figurent parmi les leaders de leur marché. En tant qu’acteurs économiques, elles n’investissent que sur des marchés porteurs, ce qui exclue souvent un certain nombre de maladies (dites orphelines) qui touchent les pays les plus pauvres, ou bien rendent les traitements si chers qu’ils sont inabordables pour les plus démunis sans qu’il soit toujours possible de produire des « génériques » à moindre coût sur place. Il est du rôle du politique d’encourager, par des mécanismes subventionnés, l’accès aux soins des plus pauvres, où qu’ils soient sur la planète. Nous encourageons les dirigeants du parti à entamer des discussions formelles ou informelles sur ce point avec l’association Médecins Sans Frontières, pionnière en ce domaine, ainsi qu’avec l’industrie pharmaceutique. Elles devront déboucher sur des propositions concrètes à insérer dans notre prochain programme.
- Peut-on être contre les délocalisations de certaines industries de l’Europe vers les économies émergentes et pour le développement de ces dernières ? Les syndicats américains, AFL-CIO en tête, protectionnistes s’il en est, semblent avoir résolu cette contradiction, puisqu’ils sont partie prenante de la vague « alter » américaine. A nous d’étudier les mécanismes qui permettraient de préserver les emplois dans nos pays sans gréver le droit au développement de pays plus pauvres dont l’un des seuls atouts est le faible coût de la main d’œuvre. Cela passe nécessairement par une politique de l’emploi mettant l’accent sur deux types de secteurs : ceux à haute valeur technologique et ceux où la proximité physique reste essentielle.
- Peut-on vouloir l’annulation de la dette des pays les plus pauvres, voire un soutien financier accru à leurs économies, quand ceux-ci sont sous la coupe de régimes dictatoriaux dont les dirigeants empochent une bonne partie de l’aide internationale (le reste allant aux salaires des « experts » étrangers) ? Les décisions du FMI, de la Banque mondiale et des autres organismes du même genre ne semblent pas soumises à un contrôle démocratique suffisant. Le Parti Socialiste doit émettre des propositions pour renforcer le contrôle politique de ces organisations par les peuples qui les financent.
- Dans le domaine de l’environnement, de par leur développement économique exponentiel, les pays émergents, notamment la Chine et l’Inde, vont vite figurer parmi les plus gros pollueurs de la planète. Comment soutenir leur développement (qui va avec l’augmentation du niveau de vie de leur habitants et un nombre accru de contrats pour nos entreprises) et leur imposer un nécessaire contrôle des émissions ? Nous devrons d’abord convaincre nos partenaires « développés » - et notamment les Américains de respecter leurs engagements (protocole de Kyoto). Le PS pourrait établir une liste de dix propositions concrètes pour faire avancer le dossier environnemental au niveau global, en partenariat avec les Verts bien entendu.
- A tort ou à raison, le PS est aujourd’hui perçu par certains électeurs comme un parti qui s’est accommodé d’une certaine logique « libérale ». Il doit désormais afficher sans complexe son identité de gauche par des propositions symboliques. Il faut inverser la pyramide et mettre l’économie au service des individus, établir un véritable projet social et socialiste, cohérent et lisible par les électeurs. L’une des propositions du PS pourrait être l’adoption d’une loi sur la fameuse taxe Tobin sur les transactions financières. Cela certes n’aurait de conséquence sur la politique européenne tant que les 25 ne sont pas tombés d’accord sur le sujet. Mais les parlementaires néerlandais ont récemment adopté un texte sur le sujet et « un voyage de mille lieues commence par un pas ».
En conclusion, la section de Thaïlande souhaite mettre l’accent sur la nécessaire politique de communication qui doit accompagner la création d’un projet « altersocialiste » intégré au programme politique du Parti que nous allons prochainement élaborer. Le pire serait de se voir accusé de récupération et de manque de sincérité sur un sujet qui touche aujourd’hui au cœur de toutes nos interrogations sur le monde de demain.
Motion adoptée le 21 juin 2004
Pour la section de Bangkok, Thaïlande
Le secrétaire de section
Philippe LATOUR
|
|