Débats
     
       Les obligations citoyennes des entreprises (section de Londres)  
     
   7 juin 2001 

Dans une société républicaine juste, tous les citoyens contribuent à la mise en œuvre des droits humains universels. Les obligations citoyennes ne sont pas limitées aux seuls individus : les entreprises, les institutions financières, tous les acteurs économiques ont des responsabilités sociales qui vont au-delà du droit du travail. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme s'applique à elles comme à « tous les organes de la société » : elle les enjoint de « développer le respect » des droits humains et de contribuer à en « assurer la reconnaissance et l’application universelles et effectives ». 

Si l'on considère que les entreprises ne sont faites que pour fournir des biens et des services et pour gagner de l'argent et sont par définition politiquement néfastes (ou même seulement neutres), on les exonère en fait par avance de tout effort social autre que leurs devoirs envers leurs propres salariés (et le respect, tout de même, de la loi commune en termes d'impôts, etc). C'est-à-dire qu'en fait on leur facilite la recherche de profit en n'attendant rien d'elles que le minimum civique.

Or au contraire, les entreprises sont directement responsables de l’impact qu’ont leurs activités sur leurs employés, sur les consommateurs de leurs produits et services et sur les communautés au sein desquelles elles agissent. Elles doivent donc assurer la protection des droits humains dans leurs propres opérations. Le droit international et les exigences des sociétés démocratiques leur font aussi un devoir de faire usage de leur influence pour contribuer à mettre fin aux violations des droits humains, quels que soient leurs auteurs.

Au plan de leurs obligations vis-a-vis de leurs employés, les entreprises doivent avant tout respecter le droit du travail. Du point de vue de la responsabilité citoyenne des entreprises, toutefois, le Code du travail est une base de depart, un niveau minimum que les entreprises doivent savoir dépasser. Ainsi par exemple, les règles les plus strictes contre toute forme de discrimination doivent etre appliquées partout, que le droit du travail l’exige ou non dans les mêmes termes, dans les différents pays où opèrent des entreprises françaises, et couvrir toute discrimination fondée sur l’origine ethnique, le sexe, l’orientation sexuelle, la langue, l’origine nationale ou sociale, la situation économique, ou les croyances religieuses ou politiques. Les entreprises doivent lutter contre les discriminations en matière de recrutement, mais aussi en matière de vente et d’accès à leurs services, de rémuneration, de conditions de travail et dans les relations avec leur clientèle, leurs sous-traitants, fournisseurs et partenaires.

L’Etat, qui peut et doit exiger des entreprises qu’elles respectent des règles communes et codifiées, doit aussi encourager les entreprises à aller plus loin que ces règles de base. Notre projet politique doit tendre à faire des entreprises des acteurs sociaux qui peuvent avoir un impact citoyen positif sur la société, par les moyens suivants :

-         Faire obligation aux entreprises d'avoir des codes de conduite publics et vérifiables, couvrant des domaines tels que la protection et la promotion des droits humains, en France et dans les activités à l’étranger ; l’équité dans les relations avec les sous-traitants ; le respect du droit du travail par ces mêmes sous-traitants ; la tolérance et la non-discrimination ; la promotion de la liberté syndicale dans les filiales ; la lutte contre la corruption ; les procédures d’information et de recours ouvertes en interne aux employés, etc.  

-         N’ouvrir l’accès aux appels d’offre lancés par l’Etat et les collectivités locales qu’aux entreprises qui ont adopté un code de conduite, obéissent à des normes reconnues de responsabilité sociale, et se soumettent à des audits publics et indépendants de leur respect de ces normes.

-         L’Etat lui-même doit développer son approche éthique dans sa politique économique, en particulier en luttant activement contre la corruption, tant en France que sur les marches internationaux. La lutte contre la corruption doit faire partie intégrante de la politique commerciale exterieure de la France.

-         De meme l’Etat doit intégrer dans sa politique extérieure le renforcement de la lutte contre l’exploitation de travailleurs vulnérables et les traffics de personnes.  

-         La France doit inclure dans le cursus des études d’économie, dès le secondaire, un enseignement sur les responsabilités des entreprises vis-à-vis de la société et sur leurs obligations citoyennes, et encourager les universités, écoles de commerce et institutions de recherche économique à développer leur enseignement et leur recherche dans ce domaine, en particulier en matière de supervision indépendante des activités des entreprises et des autres acteurs économiques.

Pierre Dagonnot

Stéphane Goldstein

Mickaël Laurans

Thérèse Moys

Pierre Robert