Le projet fédéral
     
    Groupe de travail « International – Europe » - Diagnostic
Pierre-Yves Le Borgn’
 
     
   08/12/04 

Ces quelques lignes sont une contribution pour le débat sur le « diagnostic » dans le cadre de ce groupe de travail. 

Le recul de l’influence internationale de la France

Vue de l’étranger, la politique extérieure de la France renvoie l’image d’un pays doutant de lui-même, frileux à l’égard de l’ouverture internationale et cramponné à une vision du monde statique et datée. La France paraît vivre dans la nostalgie de sa grandeur passée. Sa grille de lecture repose sur l’exception française, proclamée parfois jusqu’à la caricature, un anti-américanisme récurent, et la renaissance finalement très superficielle du couple franco-allemand. La France ne semble ni anticiper ni comprendre les évolutions du monde. Elle donne au contraire l’impression de les subir. Elle s’accommode mal de l’émergence sur la scène internationale de nouveaux acteurs, comme le citoyen, incarné par les ONGs ou bien encore le Parlement Européen. Elle s’exprime toujours, certes, mais d’une manière désormais telle que cela conforte la perception d’une posture arrogante et finalement peu désireuse de créer des coalitions d’idées et de projets. Il s’agit de dominer plus que de convaincre. C’est particulièrement vrai dans le cadre européen, où la démarche de Jacques Chirac oscille entre le mépris, l’indifférence et l’hostilité affichée aux institutions et à certains Etats membres. L’Europe rêvée de Jacques Chirac, c’est la France en grand, pour paraphraser le slogan très révélateur de l’UMP aux élections de juin dernier. La France paraît ainsi se satisfaire de ses propres certitudes, convaincue d’avoir raison contre les autres. De fait, la parole semble devoir l’emporter sur les actes et la recherche de résultats. Avec à la clé le recul de l’influence internationale.

Ni vision, ni priorités : l’exemple du réseau culturel extérieur

Faute de vision stratégique et d’objectifs définis à l’appui, la politique étrangère de la France navigue aujourd’hui à vue. L’exemple du réseau culturel extérieur, que connaissent bien les Français établis à l’étranger et sur lequel s’est déjà penché la FFE, est très parlant. La France consacre d’importants crédits pour faire vivre à l’étranger un réseau de centres chargés de promouvoir la culture française. Ces centres sont les relais de l’action culturelle extérieure, partie intégrante de la politique étrangère de la France. Pourtant, le réseau culturel français n’est plus du tout adapté aux réalités et besoins d’aujourd’hui. Il vit largement sur son passé, tant sur le plan de son implantation géographique que de ses activités. Le nombre de centres, leur inégale répartition, la diminution régulière des crédits ont conduit au saupoudrage financier et au développement de l’enseignement du français comme activité majeure, dans un seul but d’autofinancement. Les autres activités renvoient une image surannée de notre pays, très « grand siècle », de moins en moins représentative de la société française contemporaine, de sa création et de son métissage. Il manque à l’évidence une ambition et des orientations précises pour le réseau culturel extérieur. La priorité devrait être de donner de la France une image contemporaine, portant l’accent sur la réalité économique et scientifique, la création artistique, et recherchant l’établissement de partenariats avec les entreprises, les universités et les collectivités locales. De même, une approche enfin coordonnée avec les États membres de l’Union européenne pourrait permettre d’affirmer une ambition plus large, au cœur de laquelle l’effort culturel extérieur de la France doit prendre toute sa place.

Une politique étrangère, pour quoi faire ?

Il est nécessaire aujourd’hui de définir les objectifs de la politique étrangère à l’appui d’une vision internationale à renouveler. Pourquoi une politique étrangère est-elle nécessaire ? La question peut surprendre, mais il faut sans doute commencer par là. Que veut la France ? Que peut-elle faire ? Avec qui ? Si cette vision internationale est de mener à l’extérieur le même combat que chez nous pour l’Etat de droit, le développement, la solidarité et la paix, il faut alors se fixer des objectifs et des perspectives de résultats. Et faire à cette fin le choix du dialogue, de la conviction et des coalitions dans le cadre d’un multilatéralisme enfin pleinement accepté. Il nous faut aussi redécouvrir nos atouts. A force de douter, nous les perdons de vue. Or de la connaissance de ces atouts peuvent être déterminés le champ du possible et les appuis nécessaires pour mener une politique étrangère ambitieuse et juste.