Le projet fédéral
     
    Contribution pour les travaux de la Commission Nationale du Projet sur "les relations avec les pays non-démocratiques"
Section du Parti socialiste de Pékin et sympathisants
 
     
  

Janvier 2005

Dans le cadre de la réflexion sur les relations avec les pays non-démocratiques, le cas de la Chine paraît exemplaire. C'est pourquoi la section du PS de Pékin a souhaité apporter sa contribution au débat.

La Chine est en effet un Etat certes non-démocratique mais avec lequel il existe un espace de dialogue possible (par opposition à des régimes comme ceux de la Corée du Nord ou de la Birmanie). Notre conviction est en effet qu'il faut dialoguer avec ce pays, ne serait-ce que parce que la relation avec la Chine devient un élément fondamental de toute diplomatie, et parce qu'elle ne peut se construire que sur la durée. Cela répond aussi à une nécessité pour un parti de gauche qui a pour tradition de se préoccuper de la question internationale et ne peut se désintéresser du sort d'1,3 milliards de personnes. Cela ne signifie pas que la Chine est sur la voie sans nuage de la croissance et de la puissance mondiale. Tout processus historique de développement peut subir des revers, et la Chine peut en être la victime à un moment ou à un autre, à un degré ou à un autre. Mais en croissance ou en crise, la Chine, par sa seule masse démographique, doit rester une source d'intérêt et de préoccupation fondamentale. 

La France et au-delà l'Union européenne ne peuvent plus faire l'économie d'une stratégie cohérente et d'une implication forte dans leurs relations avec la Chine. Les raisons sautent aux yeux : poids démographique et ses conséquences en termes de migrations internationales ; poids économique croissant, avec des effets directs sur les flux commerciaux ou l'emploi dans notre pays ; joueur considérable sur la scène environnementale mondiale ; acteur politique régional et, potentiellement, mondial de premier plan...

Un dialogue nécessaire avec les autorités mais aussi avec la société civile :

La droite a une, voire plusieurs longueurs d'avance, dans le développement des relations avec la Chine. Son approche est cependant, sinon exclusivement, du moins très largement tournée vers le pouvoir en place.

Développer un dialogue sur la durée avec le parti communiste chinois est fondamental. Alors que celui-ci, dont l'idéologie est de plus en plus creuse, est en recherche non pas de modèles mais d'expériences qui lui seraient utiles, il nous faut avoir une stratégie d'influence auprès des décideurs visant à les sensibiliser à nos valeurs social-démocrates et à nos conceptions relatives tant à l'organisation socio-politique internes qu'aux réponses à apporter aux défis de la mondialisation

Mais ce dialogue doit s'accompagner d'une ouverture sur la société civile chinoise émergente: intellectuels de toutes tendances ("libéraux", "nouvelle gauche", etc...), dirigeants d'organisation non-gouvernementales ou semi-non gouvernementales, journalistes, militants des droits sociaux et politiques, etc... Une politique de gauche vis-à-vis de la Chine doit développer des mécanismes spécifiques pour s'adresser à cette société civile et favoriser les échanges avec la société civile française, peut-être par le biais d'un programme de grande ampleur d'invitation en France pour des courts ou longs (formation) séjours (la question de la défense des droits de l'Homme stricto sensu est traitée ci-dessous), mais aussi 

Un dialogue sans compromission : découpler relation politique et relation économique.

Autant il est légitime de promouvoir les intérêts économiques français très importants de la France en Chine, autant la politique actuelle visant à multiplier les concessions politiques, voire même poussant l'empressement jusqu'à aller au delà des attentes chinoises est contestable. Condamnable sur le plan des principes, elle repose en outre sur le présupposé erroné que nos succès économiques en Chine dépendent de la qualité des relations politiques. 

Ce lien imaginaire est faux dans les deux sens : une bonne relation politique et les plus grandes concessions dans ce domaine ne garantissent en rien des retombées de nature économique ; et des relations constructives et profitables dans le domaine économiques sont parfaitement compatibles avec une relation politique où l'on sait afficher ses exigences, discuter de ses divergences et tenir ses positions, que ce soit sur les droits de l'homme ou les questions internationales. L'exemple allemand illustre d'ailleurs qu'il n'est pas nécessaire de sonner trompette sur le caractère privilégié des liens politiques pour entretenir une vraie relation économique (le commerce sino-allemand est quatre fois plus important que le commerce franco-chinois).

Un dialogue sans compromission : faire connaître notre différence sur les droits de l'Homme

La question des droits de l'homme doit être maintenue sur l'agenda des relations entre la France et la Chine. Elle a presque disparu du discours servi par les hommes politiques français de droite aux interlocuteurs chinois. Or en parler, dans l'esprit désormais bien établi du dialogue sino-européen sur les droits de l'homme, ne constitue pas une entrave au développement des relations dans les autres domaines. La pression internationale ne suffira pas à faire évoluer la situation, dont les facteurs sont essentiellement internes. Mais elle reste utile pour épauler et légitimer les forces sociales chinoises qui travaillent à la libéralisation du régime, qu'il s'agisse des dissidents, ou des intellectuels et des cadres de niveaux divers qui cherchent à réformer le système de l'intérieur. Pour être la plus efficace, une telle politique des droits de l'homme suppose une connaissance précise du terrain et un travail de suivi minutieux du dialogue avec les autorités chinoises. Ce domaine peut être parfaitement pris en main dans le cadre européen, dans la mesure où les intérêts et les positions des Etats-Membres sur cette question convergent étroitement. Le renforcement de ce dialogue euro-chinois mériterait l'institution d'une équipe européenne permanente chargée de le mettre en œuvre, afin que la question soit non seulement abordée au niveau des chefs d'Etat et des ministres, mais qu'elle fasse aussi l'objet d'un suivi au plus près des différents acteurs, gouvernement, dissidence et autres forces sociales impliquées.

Au-delà des droits politiques, la question du droit du travail et des droits sociaux mérite d'être approfondie dans le cadre de ce dialogue. Elle constitue un véritable problème dans un pays où ni la réglementation, ni le syndicat unique, ni les médias ne protègent les droits des employés face aux employeurs, qui profitent d'une main-d'œuvre surabondante et d'un taux de chômage très élevé. L'accès à l'éducation et à la santé constituent des problèmes de fond, sur lesquels un dialogue consacré au modèle social doit être engagé. Cette question, au-delà du problème de droits de l'homme, a également des résonances, dans le cadre mondialisé, sur le droit du travail et la protection sociale en Europe et dans les autres pays en développement. Son traitement dans les enceintes internationales spécialisées (OMC, OIT) doit donc être un des sujets prioritaires de ces enceintes. Des initiatives doivent en outre être encouragées pour que les entreprises étrangères investissant en Chine, en commençant par les entreprises européennes, garantissent à leurs employés un traitement qui aille au-delà de ce qu'impose la réglementation, et soient ainsi à l'avant-garde du progrès social. Il faut aussi encourager les syndicats français et européens à entamer sérieusement la discussion avec les acteurs sociaux chinois (y compris le syndicat unique, peu représentatif mais avec lequel le contact mérite d'être entretenu). 

Un dialogue fondé sur un effort de connaissance réciproque

La relation franco-chinoise ne se développera d'autre part que si des Français et des Chinois en nombre suffisant sont formés à la langue et à la culture de l'autre. La France consacre pour l'instant des efforts importants à la formation des étudiants chinois en France, mais des efforts budgétaires sont nécessaires et urgents pour former plus d'étudiants français au chinois et à la culture chinoise et pour développer le réseau des chercheurs sur la Chine, qui fournissent un sous-bassement aux relations. L'appareil français d'enseignement du chinois est en très mauvais état et particulièrement inefficace, à commencer par ses fleurons, comme les Langues O'./.