Le projet Fédéral
     
    SOLIDAIRES POUR DEMAIN  
  


I. AGIR POUR LA JUSTICE SOCIALE.

La protection sociale en France recouvre un vaste domaine : assurance maladie-maternité, assurance invalidité, prestations de vieillesse (retraite, minimum vieillesse), prestations de chômage, allocations familiales, aide aux plus démunis (RMI, aide à la scolarisation, lutte contre l'exclusion sociale), formation professionnelle des adultes. A l'étranger, la protection sociale des Français revêt une autre dimension, largement hétérogène, selon que nos compatriotes vivent dans l'Union Européenne ou en dehors. La coordination des mécanismes nationaux de sécurité sociale dans l'Union assure aux travailleurs migrants et à leur famille une protection sociale. Hors Union Européenne, l'adhésion à la Caisse des Français de l'Étranger (CFE) permet l'accès à la couverture sociale. Cependant, au-delà de ces différences existe aussi un besoin commun de solidarité, que la situation actuelle ne comble pas. La modernisation de la coordination communautaire des mécanismes de sécurité sociale comme la poursuite de la démocratisation de l'accès aux soins médicaux hors Union forment en effet pour les Français à l'étranger des objectifs prioritaires.

L'expression de la solidarité nationale à l'étranger doit aussi conduire à un redéploiement d'ensemble de l'aide sociale consulaire, particulièrement importante en dehors de l'Union Européenne, où se posent les problèmes les plus lourds et les plus urgents. La simplification des démarches liées à la nationalité doit également être poursuivie. La situation des femmes françaises à l'étranger doit être prise en compte, face aux difficultés juridiques, sociales, économiques, mais avant tout humaines rencontrées parfois. 

Il faut enfin attirer l'attention sur le traitement déplorable par l'État employeur de ses agents auxiliaires recrutés locaux, pour l'enjoindre d'adopter au plus vite une politique de dignité et de responsabilité.

1. Réformer et appliquer la législation communautaire de sécurité sociale :

A l'intérieur de l'Union Européenne, les régimes de sécurité sociale font l'objet d'une coordination législative (Règlement n° 1408/71) afin d'assurer aux 6 millions de travailleurs migrants et à leurs familles une protection sociale, quel que soit leur lieu de résidence. Le Règlement est régulièrement remis à jour afin d'adapter son contenu aux changements intervenus dans les législations nationales. Une réforme d'ensemble a été proposée par la Commission européenne en 1998, que les États membres semblent peu pressés de vouloir examiner. Si le Règlement détermine la législation compétente, il n'harmonise cependant en rien le montant des prestations servies d'un État membre de l'Union à l'autre. Les États conservent en la matière une complète compétence pour déterminer l'organisation et le financement de leurs systèmes de sécurité sociale. 

Les Français établis dans un autre État membre de l'Union Européenne ou y ayant séjourné par le passé rencontrent les mêmes difficultés que les autres migrants, pour l'essentiel liées à la méconnaissance ou à la complexité du Règlement, aux conditions de résidence souvent posées pour le versement des retraites complémentaires ainsi qu'aux difficultés faites par les États membres quant au libre-accès aux soins de santé 

  • Les différences entre régimes nationaux de sécurité sociale, décloisonnés mais non-harmonisés par le Règlement, comme également la complexité de celui-ci conduisent régulièrement à des erreurs d'interprétation ou à la méconnaissance du Règlement par les autorités nationales. Par exemple, alors que les prestations pour handicapés figurent depuis l'origine dans le champ d'application du Règlement, la France ne valide toujours pas la reconnaissance préalable par un autre État membre du handicap d'un ressortissant français, forçant celui-ci dès son retour à reconstituer un dossier et, par conséquent, à passer de nouveaux examens médicaux, tous redondants par rapport à ceux déjà effectués. De telles situations, malheureusement nombreuses, sont inacceptables et commandent qu'une modernisation, une simplification et une campagne de présentation du Règlement auprès des personnels des régimes nationaux de sécurité sociale soient rapidement conduites.
     

  • La non-coordination communautaire des mécanismes de retraites complémentaires peut conduire à des situations d'extrêmes difficultés, voire de précarité, pour des personnes se retirant de la vie active ou des ayant-droits cherchant à toucher un capital-décès. Il est fréquent en effet que les caisses françaises refusent de verser les sommes dues au motif que le retraité ou son ayant-droit se trouve dans un autre État membre de l'Union. Ceci est à la fois contraire aux articles 39 et 40 du Traité CE comme également à la Directive n° 98/49, instaurant une coordination des mécanismes de retraites complémentaires et interdisant expressément les conditions de résidence. Votée il y a près de 3 ans, cette Directive aussi fondamentale pour les Français à l'étranger n'a toujours pas fait l'objet d'une transposition en droit interne. Nous demandons que cette transposition soit au plus vite actée.
     

  • S'agissant du libre-accès de l'assuré social d'un État membre aux soins de santé dispensés dans un autre État membre, le Règlement définit des conditions d'approbation, interprétées très restrictivement par chaque caisse ou autorité nationale compétentes. Cela conduit très souvent à des situations d'injustice et d'arbitraire, alors même que se trouve en jeu la santé du patient. Un plus grand encadrement communautaire des soins transfrontaliers (type de soins permis et convergence des procédures d'autorisation) est souhaitable pour éviter non seulement tracas et injustices, mais surtout pour permettre au patient de pouvoir être soigné par le praticien de son choix, en fonction des meilleures techniques médicales, ou à proximité de sa famille ou de ses amis. La jurisprudence récente de la Cour de Justice des Communautés Européennes incite au demeurant à une modification de la législation communautaire en ce domaine. Une modification serait bienvenue également dans le domaine approchant de l'accès aux soins de santé des travailleurs frontaliers en retraite, à qui le Règlement fait obligation de recevoir les soins médicaux dans leur pays de résidence, à l'exclusion du pays dans lequel ils perçoivent leur retraite et où ils pouvaient se faire soigner jusqu'à la fin de leur vie active. 

Nous appelons le gouvernement à s'engager résolument en faveur de la proposition de réforme du Règlement n°1408/71 présentée par la Commission européenne et à s'assurer de l'application effective du droit social communautaire existant par l'administration et l'ensemble des acteurs, publics et privés, du domaine de la santé, de la retraite et de la famille.

Au-delà, il convient aussi de ne plus considérer comme un absolu tabou la question de l'harmonisation des prestations sociales à l'intérieur de l'Union Européenne. Une définition des principes d'une protection sociale minimale dans tous les États membres est souhaitable. Elle pourrait s'exprimer au travers de la négociation d'un Traité social, de même portée que les Traités économiques et monétaires. Ce Traité contribuerait puissamment à la prise de conscience de l'appartenance à une même communauté de valeurs, à un même modèle social. Il imposerait des critères de convergence sociale, à atteindre dans le respect d'un calendrier contraignant et contrôlé. Les partenaires sociaux, dans le cadre d'une relance du dialogue social européen, seraient étroitement associés à sa négociation.

2. Poursuivre la démocratisation de l'accès aux soins hors Union européenne :

Depuis 1976, les Français à l'étranger ont à leur disposition un système spécifique de couverture sociale géré par la Caisse des Français de l'Étranger. Le Parlement a récemment acté la création d'une nouvelle modalité d'adhésion à la 3ème catégorie de cotisation, permettant aux personnes à revenus modestes de pouvoir s'affilier et ainsi accéder aux soins médicaux.

Pour autant, il reste encore des Français à l'étranger qui, du fait de revenus très faibles, ne peuvent toujours pas acquitter une cotisation à la CFE, même dans cette dernière catégorie. Nous ne pouvons accepter cette situation. La couverture médicale de ces compatriotes ne relève pas de l'assurance mais de l'aide directe à l'accès aux soins, qu'il s'agit de renforcer par l'ouverture de dispensaires consulaires et la signature de conventions entre le Consulat et des partenaires médicaux. De même, l'accès de ces compatriotes à la Couverture Médicale Universelle (CMU) sous double condition (absence de protection sociale ; immatriculation consulaire datant au minimum de 3 mois) doit rapidement faire l'objet d'une étude de coût et faisabilité, afin de leur permettre de venir se faire soigner en France.

 Les statuts de la CFE doivent être revus, dans le but d'assurer transparence, démocratie et efficacité dans le fonctionnement de la Caisse. Il est nécessaire d'établir, au sein du Conseil d'Administration, une représentation des adhérents et des syndicats, totalement écartés à ce stade. Nous proposons ainsi la désignation de 2 représentants des adhérents et de 2 représentants des syndicats (à parité avec les employeurs, actuellement représentés à hauteur de 2 sièges). De même, nous suggérons de porter de 3 à 7 le nombre de membres du Bureau du Conseil d'Administration.

3. Redéployer l'aide sociale consulaire :

Les principes de l'aide sociale consulaire sont dérivés de l'action sociale métropolitaine. Cependant, à population égale, l'aide sociale consulaire se situe très largement en-deçà de l'aide sociale départementale. Pour 2001, les crédits d'assistance pour les Français de l'étranger, s'élevaient à 112,6 millions de FF, en augmentation de seulement 0,9% par rapport à l'année précédente, alors que le nombre d'allocataires, pour qui cette allocation est le seul moyen de faire face aux dépenses minimales de santé, augmente régulièrement hors de l'Union Européenne, là où se trouvent les besoins les plus urgents et importants. Dans l'Union Européenne, la situation est en effet différente, les Français bénéficiant en vertu du principe de l'égalité de traitement de l'accès à toutes les aides de l'État membre d'accueil, sans pour autant que cela écarte, dans certaines conditions, la possibilité d'obtenir ponctuellement un secours de l'aide sociale consulaire. 

Nous proposons que soient mises en application les recommandations de Monique Cerisier-ben Guiga dans son rapport de 1999 au Premier Ministre sur l'exclusion sociale des Français à l'étranger : 

  • l'augmentation des crédits d'action sociale à 150 millions de FF à l'horizon 2005 ;
     

  • la transposition du RMI à l'étranger, par la création de l'Allocation Locale d'Insertion Sociale (ALIS) pour remplacer les allocations sociales consulaires à durée déterminée, qui comprendrait un revenu de substitution et un volet insertion, et qui serait utilisable pour financer une formation professionnelle ; 
     

  • la création d'un Revenu Local de Substitution (RLS) pour les personnes démunies de plus de 50 ans ; 
     

  • la transformation des centres médico-sociaux de la coopération française en centres médico-sociaux consulaires, permettant notamment l'accueil des compatriotes qui ne peuvent s'affilier à la CFE ; 
     

  • la nomination, étalée sur 5 années, de 15 assistants sociaux supplémentaires pour pourvoir tous les Consulats Généraux de plus de 8 000 immatriculés dans les pays en développement, de 15 agents du Ministère des Affaires Étrangères formés aux affaires sociales et, dans l'Union Européenne, le recrutement local de 15 agents sociaux, connaisseurs des mécanismes de sécurité sociale locaux et de la législation sociale communautaire. 

Plus fondamentalement, l'action sociale à l'étranger doit être davantage gérée dans une démarche de proximité, en adéquation avec les réalités locales. Cela emporte de renforcer l'autonomie des Comités Consulaires Permanents pour l'Action Sociale (CCPAS), où les élus des Français de l'étranger seront donc mieux armés pour définir une politique consulaire de l'action sociale plus proche de leurs concitoyens. Dans la logique de la décentralisation, l'objectif doit être le transfert de l'action sociale vers un Conseil Supérieur des Français de l'Étranger (CSFE) profondément renouvelé.

4. Simplifier les démarches liées à la nationalité :

Au 1er janvier 2000, 1 015 026 Français étaient immatriculés auprès des postes consulaires à l'étranger, en augmentation de près de 3% par rapport à 1998. Si l'on ajoute à ce chiffre l'estimation du nombre de Français non-immatriculés, soit 867 000 en 1999, la communauté française à l'étranger s'élève alors à près de 1,9 million de personnes. Cette communauté se caractérise par un pourcentage élevé et croissant de binationaux (46,5% en 1999), particulièrement important au Proche et au Moyen-Orient (78%), en Amérique Latine (60%) et en Afrique du Nord (58%), et par la forte présence de la jeunesse, près de 29% des immatriculés ayant moins de 18 ans. La part des détachés dans la communauté a chuté de 12% en 1994 à 7% en 1999.

Ces chiffres donnent la mesure des problèmes auxquels les Français à l'étranger sont confrontés dans leur relation avec l'administration consulaire. Malgré les mesures de simplification administrative récemment adoptées, la vie administrative des Français à l'étranger, notamment en matière d'établissement de la nationalité, reste constamment compliquée par des exigences de production de documents, dont la nécessité n'est pas toujours fondée, qui sont pour la plupart difficiles à obtenir, retardant ainsi d'autant la résolution des problèmes rencontrés. Les services consulaires, sous-équipés et mal préparés à certaines réalités locales, sont souvent dans l'incapacité de répondre aux attentes d'une population française si diverse, qui peut se sentir de ce fait délaissée, voire méprisée. Or le Consulat doit rester ce lien essentiel de la citoyenneté, entre le Français à l'étranger et la métropole. Nous proposons que la Commission de la Représentation et des Droits du CSFE établisse, sur la base de l'expérience de ses membres, un rapport préconisant plusieurs simplifications dans la constitution des dossiers de nationalité, de sorte que la démarche du certificat de nationalité devienne un acte citoyen et positif, et non le parcours du combattant qu'elle est encore aujourd'hui. De même, nous demandons que soient renforcés les moyens consulaires, tant en termes de recrutement que de formation des personnels.

Immergés et intégrés dans leur pays d'accueil ou tout simplement originaires du pays dans lequel ils résident, les Français à l'étranger vivent au quotidien les difficultés et tracas des membres de leur famille ou de leurs proches amis dans l'obtention de visas. Si l'obligation de motiver les refus de visas aux ascendants, descendants et conjoints de Français est un réel progrès, les conditions dans lesquelles sont examinées les demandes de visas de séjour restent critiquables et renvoient à l'insuffisance de personnel et de formation déplorée plus haut. 

5. Répondre aux difficultés des femmes françaises à l'étranger :

L'égalité entre les femmes et les hommes est avant tout une question de justice : une société qui discrimine la moitié de sa population n'est ni juste ni démocratique. Les Françaises à l'étranger, qui représentent un peu plus de 52% de la population immatriculée, ne forment pas une catégorie homogène. Il existe des multitudes de situations, parfois dramatiques en fonction du droit du pays de résidence ou de la situation familiale et économique. Il est essentiel que, face à ces situations, les femmes puissent connaître leurs droits et trouver aussi des lieux d'écoute, de soutien et de conseil.

Nous proposons : 

  • la mise à jour annuelle du Guide Pratique des Femmes Françaises à l'Étranger et sa remise systématique lors de l'immatriculation ou du renouvellement d'immatriculation ; 
     

  • la mise en place d'un numéro d'appel d'urgence dans chaque Consulat Général et la possibilité de bénéficier d'un hébergement dans l'urgence ; 
     

  • la présence dans chaque Consulat d'un agent connaissant le droit social et de la famille de l'État de résidence ; 
     

  • la préparation et mise à jour annuelle d'un annuaire des médecins et avocats francophones par chaque Consulat ; 

En matière de droit de la nationalité, nous proposons que lorsqu'une femme réintègre la nationalité française, ceci puisse constituer une condition suffisante pour que ses enfants accèdent également à la nationalité française, par les liens de la filiation.

Nous souhaitons aussi appeler l'attention des autorités publiques sur la nécessité de trouver au plus vite, en particulier avec les gouvernements allemand, algérien et américain, un cadre juridique permettant de résoudre les questions de garde d'enfants. 

6. Traiter les agents de l'État recrutés locaux avec dignité et responsabilité :

Pour compenser la saignée d'emplois budgétaires qu'il a subi depuis 1990, le Ministère des Affaires Étrangères a recruté des agents auxiliaires à l'étranger (actuellement 5 800, dont 1 300 Français). Le traitement social de ces personnels par l'État est critiquable, faisant de la diplomatie française un piètre employeur. Le climat social est mauvais dans les postes diplomatiques et tout particulièrement dans les Consulats, surtout dans les pays hors OCDE, où les rémunérations moyennes de ces agents auxiliaires sont de 8 643 FF (7 253 FF en zone CFA) pour des tâches qualifiées. 75 de ces agents n'ont aucune assurance maladie, 525 ont une assurance insuffisante et leur offrir une assurance vieillesse est jugé irréaliste par le Ministère pour des raisons de coût. S'ajoute à cela une discrimination législative constante, les agents auxiliaires recrutés locaux ayant été délibérément écartés de la jurisprudence Berkani (droit d'option pour un contrat de droit public) et, par voie de conséquence, du bénéfice de la loi Sapin.

L'amélioration de cette situation ne peut passer par le seul redéploiement interne des crédits du Ministère des Affaires Étrangères. Elle aura nécessairement un coût budgétaire. L'État doit considérer comme prioritaire l'augmentation des crédits destinés aux agents auxiliaires recrutés locaux, et ce tant pour les rémunérations que pour la protection sociale.

II. UN SOUTIEN PLUS CIBLÉ À L'EMPLOI ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE.