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III. RENOUVELER ET DÉMOCRATISER L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS A L'ÉTRANGER.

L'accès à l'éducation est l'un des plus importants enjeux de notre temps. Chacun sait que les individus et les peuples qui auront la maîtrise des savoirs, des idées, des techniques et des langues auront aussi les meilleures chances de réussite au XXIème siècle. Ce débat est crucial en France. Il l'est tout autant à l'étranger. Les 2 millions de Français établis à l'étranger font du français une langue internationale, diffusent la culture française et contribuent aux succès économiques de notre pays. Ils ont aussi en commun de vouloir rester français, en conservant des liens affectifs, culturels et politiques avec la France. De ce fait, nombreux sont ceux qui souhaitent que leurs enfants suivent une scolarité française ou, tout au moins, un cursus académique comportant une part significative de langue, de littérature et d'histoire de la France.

Ce souhait est légitime. Tordons définitivement le cou à l'argument récurent selon lequel le fait que les Français à l'étranger ne paieraient pas l'impôt les disqualifierait pour l'accès de leurs enfants à l'École de la République. Car, à le suivre, il pourrait également être déduit que les Français mis en péril par une guerre à l'étranger ne devraient finalement bénéficier d'aucun secours ! C'est en tout point une richesse pour la France d'avoir partout dans le monde des compatriotes intégrés dans leur pays d'accueil tout en restant français. Aussi est-il juste que les familles françaises à l'étranger soient aidées par l'État à assurer la transmission à leurs enfants des savoirs de citoyenneté et des valeurs de la communauté nationale. 

Ce principe établi, il est souhaitable que puissent être offertes des formes de scolarisation adaptées aux situations et besoins. Là où existe un système national d'enseignement d'un niveau comparable au nôtre, il serait possible d'envisager le plus souvent une scolarisation dans les établissements locaux, qui serait complétée par un enseignement de notre langue, littérature et histoire par des enseignants français. Dans les régions du monde où n'existe aucun système alternatif satisfaisant à l'école française, la scolarisation continuerait à être réalisée dans les établissements gérés ou conventionnés par l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Étranger (AEFE). Enfin, des solutions pratiques pourraient être trouvées pour faciliter la scolarité des enfants français vivant dans des régions isolées ou dans de très petites communautés. 

Au-delà de l'école, il convient aussi de se pencher sur la situation des étudiants français issus de l'étranger, souvent difficile en raison des coûts directs et indirects des études en France pour des familles vivant de revenus locaux. Des solutions aux difficultés rencontrées doivent pouvoir être apportées dans le cadre de la réflexion globale menée sur le « contrat d'autonomie ». 

1. Développer l'enseignement de la culture française dans les établissements des pays de résidence :

Une telle démarche est envisageable dans les pays membres de l'OCDE. De plus, dans l'espace communautaire, elle contribuerait à développer une politique scolaire en adéquation avec l'émergence de la citoyenneté européenne. A mesure que la convergence déjà observée entre les systèmes éducatifs et les approches pédagogiques au sein de l'Union Européenne se renforcera dans les années à venir, posant ainsi les jalons d'une véritable politique européenne de l'éducation, la présence d'écoles du réseau de l'AEFE aura moins d'importance pour les familles durablement installées dans ces pays. Selon cette approche, une partie des enfants français à l'étranger continuerait ainsi d'être scolarisés dans les écoles du pays d'accueil, mais dans des filières à fort contenu bilingue et biculturel. 

Pour atteindre cet objectif, il faudrait que le Ministère de l'Éducation Nationale français travaille avec ses homologues étrangers à l'établissement de partenariats nécessaires à la création de telle filières dès l'école primaire, en France et dans les autres pays volontaires : intensification des échanges d'enseignants ; adaptation des fonctions pédagogiques, des méthodes d'apprentissage des langues et des cursus. Un travail en amont sur la reconnaissance des niveaux de classe entre les pays concernés serait également nécessaire. Un rapprochement avec le Centre National de l'Enseignement à Distance (CNED) pourrait aussi être recherché en complément à certaines classes comme pour la formation continue des enseignants. 

De tels courants d'échanges dynamiseraient la recherche et feraient évoluer les pratiques et mentalités des éducateurs, enseignants et familles. Cette proposition dépasse de beaucoup l'objectif du seul accès à la langue, à la culture et à la citoyenneté des enfants français à l'étranger. Il s'agit ni plus ni moins que de créer l'école nécessaire à la civilisation du XXIème siècle. Pour autant, elle n'a pas pour objectif d'entraîner le retrait de l'AEFE d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Océanie, régions dans lesquelles les écoles du réseau garderaient leur vocation première de services d'enseignement, mais deviendraient aussi des pôles de services linguistiques et des organisateurs d'échanges avec les écoles locales qui offriraient des sections bilingues à français renforcé. 

2. Donner une ambition et un second souffle à l'AEFE : 

Créée en 1990 par le gouvernement de Michel Rocard, l'AEFE est un outil incomparable, gérant un réseau de plus de 200 écoles, 157 000 élèves et près de 15 000 personnels d'éducation. Cependant, étranglée par de lourdes contraintes budgétaires, rattachée au seul Ministère des Affaires Étrangères - qui n'a pas de poids dans les arbitrages budgétaires et dont l'enseignement n'est finalement qu'une mission périphérique - elle pâtit d'une absence criante d'ambition, de moyens, et donc finalement de priorité politique. 

Puisque le premier des objectifs des écoles du réseau de l'AEFE est la scolarisation des enfants français résidant à l'étranger, nous proposons que la tutelle exercée sur l'AEFE par le Ministère des Affaires Étrangères soit au plus vite partagée avec le Ministère de l'Éducation Nationale. Ce cadre permettrait à l'AEFE de se rapprocher davantage des fonctions d'un rectorat classique, de développer des passerelles entre les réseaux étrangers et français, et de multiplier les échanges entre élèves comme entre enseignants. Cela permettrait notamment aussi une meilleure prise en compte des besoins des élèves de l'AEFE en matière d'enseignement technique et professionnel. La formation continue des enseignants en bénéficierait également. 

La mise en place d'une carte scolaire mondiale devrait contribuer à clarifier les priorités de l'AEFE, sur le plan interne ainsi qu'en relation avec les établissements des autres réseaux, comme la Mission Laïque. Par ailleurs, il serait souhaitable que soient davantage précisées les fonctions de l'AEFE, entre ce qui relève de la gestion d'établissements et ce qui a trait à l'évaluation d'établissements ne se trouvant pas en gestion directe. Les établissements assistés par les pouvoirs publics doivent faire l'objet d'une gestion paritaire entre État, CSFE, parents d'élèves et enseignants. L'alternative entre gestion directe et gestion conventionnée doit à terme être supprimée au profit d'un schéma invitant au dialogue et aux responsabilités l'ensemble des acteurs qui font la vie et la gestion d'une école. Il est regrettable qu'aujourd'hui, l'AEFE s'emploie, partout où les établissements ne se trouvent pas en gestion directe, à refuser toute forme de partenariat dans la gestion, laissant ainsi l'entière responsabilité de gestion à des associations, le plus souvent parentales.

La question du coût de la scolarité doit également être posée. Actuellement, le coût moyen de scolarité dans le réseau de l'AEFE est inférieur à la moyenne en France : 25 600 FF contre 34 000 FF. Cependant, alors qu'en France le financement est intégralement public, couvert par l'État et les collectivités locales, dans le cadre de l'AEFE, plus de la moitié du coût total (2 milliards de FF) reste à la charge des parents, l'État ne contribuant qu'à hauteur de 1,7 milliard de FF. Cela laisse en moyenne quelques 15 000 FF par enfant à la charge des familles, soit une part très lourde et bien souvent dissuasive. Aujourd'hui, c'est un tiers seulement des enfants français résidant à l'étranger qui sont scolarisés dans le réseau de l'AEFE. Ainsi donc, une fraction croissante des enfants français à l'étranger se trouve exclue d'un système que son financement pousse vers un élitisme social préjudiciable, ceci d'autant plus que la part de l'État dans le budget total des écoles de l'AEFE n'aura cessé de diminuer depuis 1990. S'il faut certes reconnaître au gouvernement le grand mérite d'avoir porté de 165 millions de FF en 1997 à 240 millions de FF en 2001 le volume des bourses scolaires servies aux familles de 18 000 élèves à travers le monde, ceci n'a en rien changé les difficultés rencontrées par les familles de la classe moyenne, les plus nombreuses, confrontées à des choix budgétaires difficiles en raison des coûts de scolarité importants de leurs enfants. 

L'égalité citoyenne fonde la République à laquelle aspirent les socialistes. Cette égalité républicaine passe par la gratuité scolaire, qui est notre objectif. A court terme, nous proposons que la part du coût de scolarité incombant aux parents d'enfants français soit ramenée de plus de 55%, comme c'est actuellement le cas, à 15% ou 20%, selon les cas et les pays. Ce serait déjà un progrès majeur. Pour parvenir à cet objectif, trois mesures devraient être prises :

  • La première mesure consisterait en la mise en place d'un système de bourses scolaires, financé par le Ministère de l'Éducation Nationale, et dont le montant par enfant français scolarisé dans le réseau de l'AEFE serait égal à la moyenne du coût de la scolarisation d'un élève en France dans l'enseignement public. Ce système de bourse se substituerait au système actuel exclusivement géré par l'AEFE et témoignerait de l'engagement du Ministère de l'Éducation Nationale à assurer auprès des Français à l'étranger sa mission de service public, à égalité de moyens avec ce qu'il met à la disposition des enfants résidant en France. L'enveloppe ainsi abondée serait gérée par les Consulats selon des critères de revenus établis en commun par le Ministère de l'Éducation Nationale et le Ministère des Affaires Étrangères. Elle permettrait à chaque famille de disposer d'une bourse fonction de ses revenus, rendant l'enseignement gratuit pour la plupart et à faible coût pour les autres. 
     

  • La seconde mesure viserait au regroupement dans un statut unifié des enseignants fonctionnaires, « expatriés » comme « résidents », avec des modulations nécessaires permettant d'adapter les rémunérations à la diversité des pays et des fonctions. Il est injuste que des personnes travaillent le même nombre d'heures et exécutent la même tâche selon une grille de traitements allant de 1 à 2,7 pour les fonctionnaires et de 1 à 20 entre les fonctionnaires les mieux rémunérés et les auxiliaires recrutés localement. La totalité de la masse salariale est actuellement de l'ordre de 3,2 milliards de FF, dont 1,9 milliard pour la rémunération des fonctionnaires, qui ne sont rétribués qu'en partie seulement par l'État. Nous proposons que l'État participe à la rémunération de tous les personnels à hauteur de 50% du total de la masse salariale (en moyenne mondiale), et qu'il ajoute à cette somme un pourcentage de 25% au prorata du nombre d'élèves français scolarisés dans l'école. Cela permettrait aux écoles d'abaisser les coût de scolarité pour l'ensemble des élèves français et le système des bourses continuerait à assurer la gratuité pour les familles à revenus faibles et moyens. 
     

  • La troisième mesure serait le transfert vers un CSFE profondément réformé des compétences relatives aux bâtiments scolaires, comme c'est le cas en France au profit des communes (écoles maternelles et primaires), départements (collèges) et régions (lycées) depuis les lois de décentralisation de 1981 et 1982. Le budget du CSFE réformé se substituerait aux subventions d'investissement de l'AEFE et aux lignes de crédits du Ministère des Affaires Étrangères pour l'entretien des bâtiments scolaires. Le CSFE, pourrait avoir recours à l'emprunt pour réaliser les opérations immobilières dans les pays où des investissements sont indispensables. 

3. Faciliter la scolarité des enfants vivant dans des régions isolées :

Le développement de l'enseignement de la culture française dans les établissements des pays de résidence tout comme les réformes que nous appelons de nos vœux au sein de l'AEFE n'apportent pas de réponse adaptée à la situation de chaque enfant français à l'étranger. C'est notamment le cas des enfants vivant dans des régions isolées ou de très petites communautés. Il devrait être possible de répondre aux difficultés posées pour leur scolarisation par l'une des mesures suivantes :

  • la possibilité de recourir plus systématiquement et gratuitement aux services du CNED ; 
     

  • la création, hors pays membres de l'OCDE, d'établissements publics internationaux d'enseignement, là où chaque communauté, en raison de sa petite taille, ne dispose pas d'un établissement national d'enseignement ; 
     

  • la mise en place d'un système de conseil (structures-types, contrats-types), ainsi que l'intensification de l'aide apportée par les services culturels des Ambassades dans le cadre du programme FLAM (Français Langue Maternelle) afin de soutenir les initiatives de parents d'élèves ou d'enseignants en faveur de la découverte de la culture et de la langue françaises. 

4. Étendre l'accès au « contrat autonomie » aux étudiants français issus de l'étranger :

De nombreux jeunes Français vivant à l'étranger souhaitent pouvoir venir en France y poursuivre leurs études universitaires. Cependant, le coût de ces études, depuis les frais de scolarité jusqu'au logement, en passant par le retour vers la famille résidant hors de France, s'avère souvent problématique, voire dissuasif, surtout lorsque les familles vivent à l'étranger de revenus locaux. Cela peut être préjudiciable à la réussite universitaire de ces jeunes et, plus loin, à leur insertion future dans le monde professionnel.

La situation des étudiants français issus de l'étranger doit pouvoir être traitée dans le cadre du « contrat d'autonomie » proposé par de nombreuses associations et syndicats d'étudiants. Le « contrat d'autonomie », autrefois appelé « pré-salaire étudiant », permettrait à tout jeune de choisir son cursus universitaire sans être handicapé par le coût ou la longueur de ses études ou les conditions difficiles de vie (logement, transport, restauration, etc.). Il lui donnerait ainsi une certaine liberté de choix par rapport à la prise en charge matérielle par sa famille.

Nous proposons que la situation des étudiants français issus de l'étranger soit prise en compte dès le moment où le projet de « contrat autonomie » fera l'objet d'une concertation approfondie entre les divers partenaires du monde universitaire et, plus tard, lorsque débuteront les premières phases d'expérimentation. 

IV. DAVANTAGE DE SÉCURITÉ.